Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/263

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toutes ces barbaries, en fait un récit horrible. Les hyperboles dont les rabbins se servent pour décrire la prise de Biter ne présentent pas des idées si affreuses que la naïveté de cet auteur. Adrien punissoit des révoltés. Ici l’on extermine des peuples 5 libres. Des peuples aussi nombreux que ceux de l’Europe disparoissent de la Terre. Les Espagnols, en découvrant les Indes, ont montré en même temps quel étoit le dernier période de la cruauté.

Il est heureux que l’ignorance dont les Infidèles 1o font profession leur dérobe nos histoires. Ils trouveroient là de quoi se défendre et de quoi attaquer. S’ils jugeoient de notre religion par les idées que leur en auroient donné la destruction des Indiens, la Saint-Barthélemy et cinq ou six traits aussi marqués 15 que ceux-là, qu’auroit-on à leur répondre ? Car, enfin, l’histoire d’un peuple chrétien doit être la morale pratique du Christianisme. On a fait voir, dans les Lettres persanes, la vanité des prétextes qui avoient forcé les Espagnols à en venir à cette «> extrémité : moyen unique de conserver, et que, par conséquent, les Machiavélistes ne sauroient nommer cruel. On l’a prouvé par la conduite opposée des Portugais, .qui ont été chassés de presque partout. Mais le crime ne perd rien de sa noirceur 25 par l’utilité qu’on en retire. Il est vrai qu’on juge toujours des actions par le succès ; mais ce jugement des hommes est lui-même un abus déplorable dans la Morale.

Si la Politique a éfé le motif, la Religion a été le 3o prétexte. Il y a longtemps qu’un poëte s’est plaint