Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/362

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voulu corrompre et vos magistrats, et vos représentants. Il n’en est pas de même du corps entier du Peuple, et je crois y avoir remarqué un certain esprit de liberté qui s’allume toujours et n’est pas 5 prêt à s’éteindre ; et, quand je pense au génie de cette nation, il me semble qu’elle me paroît plus asservie qu’elle ne l’est, parce que ce qu’il y a de plus asservi s’y montre dans un plus grand jour, et que ce qu’il y a de plus libre, dans un moindre.

1o Je ne dis pas que, dans les élections des membres du Parlement, la corruption ne se soit aussi glissée. Mais permettez-moi de faire quelques réflexions. C’est la plus vile partie de la nation que l’on corrompt, et, si, dans un bourg ou une comté, il y a

15 quelques principaux qui corrompent, parce qu’ils sont corrompus eux-mêmes, et quelques gens vils qui soyent corrompus, on peut dire pourtant que l’état moyen ne l’est pas, et que l’esprit de liberté y règne encore. Je vous prie de faire réflexion sur

ïo le genre particulier de corruption que l’on employe dans ces assemblées particulières. Ce sont des repas, des assemblées tumultueuses, des liqueurs enivrantes, des ligues, des partis, des haines ou des piques, des moyens exposés au grand jour. La cor

25 ruption la plus dangereuse, c’est celle qui est sourde, celle qui se cache, celle qui affecte l’ordre, celle qui paroît règle, celle qui va où elle ne paroît pas viser. Rappelez-vous, je vous prie, la corruption de Rome, et vous verrez qu’elle étoit de tout une

3o autre espèce.

1° Le Peuple formoit un corps unique, et, le