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Discours.


Il écrivoit pour instruire ; & en instruisant, il se faisoit toujours aimer. Tout respire dans ses ouvrages, la candeur & la probité ; le bon naturel s’y fait sentir ; le grand homme ne s’y montre jamais qu’avec l’honnête homme.

Il suivoit la vertu par un penchant naturel, & il s’y attachoit encore par ses réflexions. Il jugeoit qu’ayant écrit sur la morale, il devoit être plus difficile qu’un autre sur ses devoirs ; qu’il n’y avoit point pour lui de dispenses, puisqu’il avoit donné les regles ; qu’il seroit ridicule qu’il n’eût pas la force de faire des choses dont il avoit cru tous les hommes capables ; qu’il abandonnât ses propres maximes ; & que dans chaque action, il eût en même-temps à rougir de ce qu’il auroit fait & de ce qu’il auroit dit.

Avec quelle noblesse n’exerçoit-il pas sa profession ? Tous ceux qui avoient besoin de lui devenoient ses amis. Il ne trouvoit presque pour récompense à la fin de chaque jour que quelques bonnes actions de plus. Toujours moins riche, & toujours plus désintéressé, il n’a presque laissé à ses enfans que l’honneur d’avoir eu un si illustre pere.

Vous aimez, Messieurs, les hommes vertueux ; vous ne faites grace au plus beau génie d’aucune qualité du cœur ;