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Liv. II. Chap. V.

Il étoit dans l’admiration, & disoit : « Je n’aurois jamais cru que cela eût été si aisé ». Il en est de même des princes d’Orient. Lorsque de cette prison, où des eunuques leur ont affoibli le cœur & l’esprit, & souvent leur ont laissé ignorer leur état même, on les tire pour les placer sur le trône, ils sont d’abord étonnés : mais quand ils ont fait un vizir, & que dans leur sérail ils se sont livrés aux passions les plus brutales ; lorsqu’au milieu d’une cour abattue, ils ont suivi leurs caprices les plus stupides, ils n’auroient jamais cru que cela eût été si aisé.

Plus l’empire est étendu, plus le sérail s’agrandit, & plus par conséquent le prince est enivré de plaisirs. Ainsi dans ces états, plus le prince a de peuples à gouverner, moins il pense au gouvernement ; plus les affaires y sont grandes, & moins on y délibere sur les affaires.