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Liv. III. Chap. V.

l’état vous en dispense : une action qui se fait sans bruit y est en quelque façon sans conséquence.

Quoique tous les crimes soient publics par leur nature, on distingue pourtant les crimes véritablement publics d’avec les crimes privés, ainsi appellés, parce qu’ils offensent plus un particulier, que la société entiere.

Or, dans les républiques, les crimes privés sont plus publics ; c’est-à-dire, choquent plus la constitution de l’état que les particuliers : & dans les monarchies, les crimes publics sont plus privés ; c’est-à-dire, choquent plus les fortunes particulieres que la constitution de l’état même.

Je supplie qu’on ne s’offense pas de ce que j’ai dit ; je parle après toutes les histoires. Je sais très-bien qu’il n’est pas rare qu’il y ait des princes vertueux ; mais je dis que dans une monarchie il est très-difficile que le peuple le soit[1].

Qu’on lise ce que les historiens de tous les temps ont dit sur la cour des

  1. Je parle ici de la vertu politique, qui est la vertu morale dans le sens qu’elle se dirige au bien général, sort peu des vertus morales particulieres, & point du tout de cette vertu qui a du rapport aux vérités révélées. On verra bien ceci au liv. V. ch. II.