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De l’esprit des Lois,


Il y a beaucoup à gagner, en fait de mœurs, à garder les coutumes anciennes. Comme les peuples corrompus font rarement de grandes choses, qu’ils n’ont guere établi de sociétés, fondé de villes, donne de lois, & qu’au contraire, ceux qui avoient des mœurs simples & austeres, ont fait la plupart des établissemens ; rappeler les hommes aux maximes anciennes, c’est ordinairement les ramener à la vertu.

De plus, s’il y a eu quelque révolution, & que l’on ait donné à l’état une forme nouvelle, cela n’a guere pu se faire qu’avec des peines & des travaux infinis, & rarement avec l’oisiveté & des mœurs corrompues. Ceux mêmes qui ont fait la révolution ont voulu la faire goûter, & ils n’ont guere pu y réussir que par de bonnes lois. Les institutions anciennes sont donc ordinairement des corrections, & les nouvelles des abus. Dans le cours d’un long gouvernement, on va au mal par une pente insensible, & on ne remonte au bien que par un effort.

On a douté si les membres du sénat dont nous parlons, doivent être à vie, ou choisis pour un temps. Sans doute qu’ils doivent être choisis pour la vie,