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De l’esprit des Lois,

tique. Les premieres font perdre l’esprit de citoyen, les autres y ramenent.

Si l’on ne distribue point les revenus au peuple, il faut lui faire voir qu’ils sont bien administrés : les lui montrer, c’est en quelque maniere l’en faire jouir. Cette chaîne d’or que l’on tendoit à Venise, les richesse que l’on portoit à Rome dans les triomphes, les trésors que l’on gardoit dans le temple de Saturne, étoient véritablement les richesses du peuple.

Il est sur-tout essentiel dans l’aristocratie, que les nobles ne levent pas les tributs. Le premier ordre de l’état ne s’en mêloit point à Rome ; on en chargea le second, & cela même eut dans la suite de grands inconvéniens. Dans une aristocratie où les nobles leveroient les tributs, tous les particuliers seroient à la discrétion des gens d’affaires ; il n’y auroit point de tribunal supérieur qui les corrigeât. Ceux d’entr’eux préposés pour ôter les abus, aimeroient mieux jouir des abus. Les nobles feroient comme les princes des états despotiques, qui confisquent les bien de qui il leur plaît.

Bientôt les profits qu’on y feroit,