Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
172
De l’esprit des Lois,

Depuis ce temps, on a volé comme auparavant sur les grands chemins.

De nos jours, la désertion fut très-fréquente ; on établit la peine de mort contre les déserteurs, & la désertion n’est pas diminuée. La raison en est bien naturelle : un soldat accoutumé tous les jours à exposer sa vie, en méprise ou se flatte d’en mépriser le danger. Il est tous les jours accoutumé à craindre la honte ; il falloit donc laisser une peine[1] qui faisoit porter une flétrissure pendant la vie ; on a prétendu augmenter la peine, & on l’a réellement diminuée.

Il ne faut point mener les hommes par les voies extrêmes ; on doit être ménager des moyens que la nature nous donne pour les conduire. Qu’on examine la cause de tous les relâchemens, on verra qu’elle vient de l’impunité des crimes, & non pas de la modération des peines.

Suivons la nature, qui a donné aux hommes la honte comme leur fléau ; & que la plus grande partie de la peine, soit l’infamie de la souffrir.

Que s’il se trouve des pays où la honte ne soit pas une suite du supplice,

  1. On fendoit le nez, on coupoit les oreilles.