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Liv. VI. Chap. XIII.


Mais le despotisme ne connoît point ces ressorts ; il ne mene pas par ces voies ; il peut abuser de lui, mais c’est tout ce qu’il peut faire : au Japon il a fait un effort, il est devenu plus cruel que lui-même.

Des ames par-tout effarouchées & rendues plus atroces, n’ont pu être conduites que par une atrocité plus grande.

Voilà l’origine, voilà l’esprit des lois du Japon. Mais elles ont eu plus de fureur que de force. Elles ont réussi à détruire le christianisme ; mais des efforts si inouis sont une preuve de leur impuissance. Elles ont voulu établir une bonne police, & leur foiblesse a paru encore mieux.

Il faut lire la relation de l’entrevue de l’empereur & du deyro à Meaco[1]. Le nombre de ceux qui y furent étouffés, ou tués par des garnemens, fut incroyable ; on enleva les jeunes filles & les garçons ; on les retrouvoit tous les jours exposés dans des lieux publics à des heures indues, tous nuds, cousus dans des sacs de toile, afin qu’ils ne connussent pas les lieux par où ils avoient

  1. Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la Compagnie des Indes, tome V. p. 2.