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De l’esprit des Lois,

qui est à peu près le seul qu’on y tolere. Chacun se sert de leurs agrémens & de leurs passions pour avancer sa fortune ; & comme leur foiblesse ne leur permet pas l’orgueil, mais la vanité, le luxe y regne toujours avec elles.

Dans les états despotiques les femmes n’introduisent point le luxe ; mais elles sont elles-mêmes un objet de luxe. Elles doivent être extrêmement esclaves. Chacun suit l’esprit du gouvernement, & porte chez soi ce qu’il voit établi ailleurs. Comme les lois y sont séveres & exécutées sur le champ, on a peur que la liberté des femmes n’y fasse des affaires. Leurs brouilleries, leurs indiscrétions, leurs répugnances, leurs penchans, leurs jalousies, leurs piques, cet art qu’ont les petites ames d’intéresser les grandes, n’y sauroient être sans grande conséquence.

De plus, comme dans ces états les princes se jouent de la nature humaine, ils ont plusieurs femmes, & mille considérations les obligent de les renfermer.

Dans les républiques les femmes sont libres par les lois, & captivées par les mœurs ; le luxe en est banni, & avec lui la corruption & les vices.