Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/472

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
298
De l’esprit des Lois,

conquérant & du peuple vaincu : il abandonna, après la conquête, tous les préjugés qui lui avoient servi à la faire : il prit les murs des Perses, pour ne pas désoler les Perses, en leur faisant prendre les murs des Grecs ; c’est ce qui fit qu’il marqua tant de respect pour la femme & pour la mere de Darius, & qu’il montra tant de continence. Qu’est-ce que ce conquérant, qui est pleuré de tous les peuples qu’il a soumis ? Qu’est-ce que cet usurpateur, sur la mort duquel la famille qu’il a renversée du trône, verse des larmes ? C’est un trait de cette vie, dont les historiens ne nous disent pas que quelqu’autre conquérant puisse se vanter.

Rien n’affermit plus une conquête, que l’union qui se fait des deux peuples par les mariages. Alexandre prit des femmes de la nation qu’il avoit vaincue ; il voulut que ceux de sa cour[1] en prissent aussi ; le reste des Macédoniens suivit cet exemple. Les Francs & les Bourguignons[2] permirent ces mariages : les Wisigoths les défendirent[3]

  1. Voyez Arrien, de exped. Alex. lib. VII.
  2. Voyez les loi des Bourguignons, titre XII, art. 5.
  3. Voyez la loi des Wisigoths, liv. III. tit. V. §. I. qui abroge la loi ancienne, qui avoit plus d’égards, y est-il dit, à la différence des nations, que des conditions.