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Liv. XI. Chap. VI.

ditaire. Il l’est premiérement par sa nature ; & d’ailleurs il faut qu’il ait un très-grand intérêt à conserver ses prérogatives, odieuses par elles-mêmes, & qui dans un état libre, doivent toujours être en danger.

Mais comme une puissance héréditaire pourroit être induite à suivre ses intérêts particuliers, & à oublier ceux du peuple ; il faut que dans les choses où l’on a un souverain intérêt à la corrompre, comme dans les lois qui concernent la levée de l’argent, elle n’ait de part à la législation que par sa faculté d’empêcher, & non par sa faculté de statuer.

J’appelle faculté de statuer, le droit d’ordonner par soi-même, ou de corriger ce qui a été ordonné par un autre. J’appelle faculté d’empêcher, le droit de rendre nulle une résolution prise par quelqu’autre ; ce qui étoit la puissance des tribuns de Rome. Et quoique celui qui a la faculté d’empêcher puisse avoir aussi le droit d’approuver, pour lors cette approbation n’est autre chose qu’une déclaration qu’il ne fait point d’usage de sa faculté d’empêcher, & dériver de cette faculté.