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Liv. XI. Chap. XVI.

peuple étoit réglée par l’autre, elle étoit bornée.

Les censeurs, & avant eux les consuls[1], formoient & créoient, pour ainsi dire, tous les cinq ans le corps du peuple ; ils exerçoient la législation sur le corps même qui avoit la puissance législative. « Tiberius-Gracchus, censeur, dit Cicéron, transféra les affranchis dans les tribus de la ville, non par la force de son éloquence, mais par une parole & par un geste : & s’il ne l’eût pas fait, cette république, qu’aujourd’hui nous soutenons à peine, nous ne l’aurions plus ».

D’un autre côté, le sénat avoit le pouvoir d’ôter, pour ainsi dire, la république des mains du peuple, par la création d’un dictateur, devant lequel le souverain baissoit la tête, & les lois les plus populaires restoient dans le silence[2].

  1. L’an 312 de Rome, les consuls faisoient encore le cens, comme il paroît par Denys d’Halicarnasse, liv. XI.
  2. Comme celles qui permettoient d’appeler au peuple des ordonnances de tous les magistrats.