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De l’esprit des Lois,

changea la constitution dans un temps où, dans le feu des discordes civiles, il y avoit à peine une constitution. Les chevaliers ne furent plus cet ordre moyen qui unissoit le peuple au sénat ; & la chaîne de la constitution fut rompue.

Il y avoit même des raisons particulieres qui devoient empêcher de transporter les jugemens aux chevaliers. La constitution de Rome étoit fondée sur ce principe, que ceux-là devoient être soldats, qui avoient assez de bien pour répondre de leur conduite à la république. Les chevaliers, comme les plus riches, formoient la cavalerie des légions. Lorsque leur dignité fut augmentée, ils ne voulurent plus servir dans cette milice ; il fallut lever une autre cavalerie ; Marius prit toute sorte de gens dans les légions, & la république fut perdue[1].

De plus, les chevaliers étoient les traitans de la république ; ils étoient avides ; ils semoient les malheurs dans les malheurs, & faisoient naître les besoins publics des besoins publics. Bien

  1. Capite censos plerosque. Salluste, guerre de Iugurtha.