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Liv. XII. Chap. XVIII.


Les Grecs ne mirent point de bornes aux vengeances qu’ils prirent des tyrans ou de ceux qu’ils soupçonnerent de l’être. Ils firent mourir les enfans[1], quelquefois cinq des plus proches parens[2]. Ils chasserent une infinité de familles. Leurs républiques en furent ébranlées ; l’exil ou le retour des exilés furent toujours des époques qui marquerent le changement de la constitution.

Les Romains furent plus sages. Lorsque Cassius fut condamné pour avoir aspiré à la tyrannie, on mit en question si l’on feroit mourir ses enfans : ils ne furent condamnés à aucune peine. « Ceux qui ont voulu, dit Denys d’Halicarnasse[3], changer cette loi à la fin de la guerre des Marses & de la guerre civile, & exclure des charges les enfans des proscrits par Sylla, sont bien criminels ».

On voit dans les guerres de Marius & de Sylla, jusqu’à quel point les ames, chez les Romains, s’étoient peu

  1. Denys d’Halicarnasse, antiquités Romaines, liv. VIII.
  2. Tyranno occiso, quinque ejus proximos cognasione magistratus necato. Cicéron, de inventione, lib. II.
  3. Liv. VIII. page 547.