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Éloge

son ami, & justifia Socrate. Ce trait de courage, si précieux aux lettres, si digne d’avoir aujourd’hui des imitateurs, & si honorable à la mémoire de M. de maréchal d’Estrées, n’auroit pas dû être oublié dans son éloge.

M. de Montesquieu fut reçu le 24 janvier 1728. Son discours est un des meilleurs qu’on ait prononcés dans une pareille occasion : le mérite en est d’autant plus grand, que les récipiendaires, gênés jusqu’alors par ces formules & ces éloges d’usage, ausquels une espece de prescription les assujettit, n’avoient encore osé franchir ce cercle pour traiter d’autres sujets, ou n’avoient point pensé du moins à les y renfermer. Dans cet état même de contrainte, il eut l’avantage de réussir. Entre plusieurs traits dont brille son discours[1], on reconnoîtroit l’écrivain qui pense, au seul portrait du cardinal de Richelieu, qui apprit à la France le secret de ses forces, & à l’Espagne celui de sa foiblesse, qui ôta à l’Allemagne ses chaînes, & lui en donna de nouvelles. Il faut admirer M. de Montesquieu d’avoir su vaincre la difficulté de son sujet, & pardonner à ceux qui n’ont pas eu le même succès.

Le nouvel académicien étoit d’autant plus digne de ce titre, qu’il avoit, peu de

  1. On le trouvera à la fin de cet éloge.