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Éloge

-temps formé le dessein : il en médita pendant vingt ans l’exécution ; ou pour parler plus exactement, toute sa vie en avoit été la méditation continuelle. D’abord il s’étoit fait en quelque façon, étranger dans son propre pays, afin de le mieux connoître. Il avoit ensuite parcouru toute l’Europe, & profondément étudié les différens peuples qui l’habitent. L’île fameuse, qui se glorifie tant de ses lois, & qui en profite si mal, avoit été pour lui, dans ce long voyage, ce que l’île de Crete fut autrefois pour Lycurgue, une école où il avoit su s’instruire sans tout approuver. Enfin, il avoit, si on peut parler ainsi, interrogé & jugé les nations & les hommes célebres qui n’existent plus aujourd’hui que dans les annales du monde. Ce fut ainsi qu’il s’éleva par degrés au plus beau titre qu’un sage puisse mériter, celui de législateur des nations.

S’il étoit animé par l’importance de la matiere, il étoit effrayé en même temps par son étendue : il l’abandonna, & y revint à plusieurs reprises. Il sentit plus d’une fois, comme il l’avoue lui-même, tomber les mains paternelles. Encouragé enfin par ses amis, il ramassa toutes ses forces, & donna l’Esprit des Lois.

Dans cet important ouvrage, M. de Montesquieu, sans s’appesantir, à l’exemple de