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Liv. XV. Chap. VIII.

les travaux que la société y exige, on peut tout faire avec des hommes libres.

Ce qui me fait penser ainsi, c’est qu’avant que le christianisme eût aboli en Europe la servitude civile, on regardoit les travaux des mines comme si pénibles, qu’on croyoit qu’ils ne pouvoient être faits que par des esclaves ou par des criminels. Mais on sait qu’aujourd’hui les hommes qui y sont employés[1] vivent heureux. On a par de petits privileges encouragé cette profession ; on a joint à l’augmentation du travail celle du gain, & on est parvenu à leur faire aimer leur condition plus que toute autre qu’ils eussent pu prendre.

Il n’y a point de travail si pénible qu’on ne puisse proportionner à la force de celui qui le fait, pourvu que ce soit la raison & non pas l’avarice qui le regle. On peut, par la commodité des machines que l’art invente ou applique, suppléer au travail forcé qu’ailleurs on fait faire aux esclaves. Les mines des Turcs, dans le bannat de Témeswar, étoient plus riches que celles de Hongrie ; & elles ne

  1. On peut se faire instruire de ce qui se passe à cet égard dans les mines du Hartz dans la basse Allemagne, & dans celles de Hongrie.