Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 2.djvu/260

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forme de son gouvernement propre ; & ce gouvernement portant avec lui la prospérité, on verroit se former de grands peuples dans les forêts mêmes qu’elle enverroit habiter.

Il pourroit être qu’elle auroit autrefois subjugué une nation voisine, qui, par sa situation, la bonté de ses ports, la nature de ses richesses, lui donneroit de la jalousie : ainsi, quoiqu’elle lui eût donné ses propres lois, elle la tiendroit dans une grande dépendance, de façon que les citoyens-y seroient libres, & que l’état lui-même seroit esclave.

L’état conquis auroit un très-bon gouvernement civil ; mais il seroit accablé par le droit des gens ; & on lui imposeroit des lois de nation à nation, qui seroient telles, que sa prospérité ne seroit que précaire & seulement en dépôt pour un maître.

La nation dominante habitant une grande île, & étant en possession d’un grand commerce, auroit toutes sortes de facilités pour avoir des forces de mer : & comme la conservation de sa liberté demanderoit qu’elle n’eût ni places, ni forteresses, ni armées de terre, elle auroit besoin d’une armée de mer