Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 4.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
310
Défense

qui vit dans le monde ; il est essentiel qu’il maintienne, par sa maniere d’agir, la supériorité de son caractere. Le monde est très-corrompu : mais il y a de certaines passions qui s’y trouvent très-contraintes ; il y en a de favorites, qui défendent aux autres de paroître. Considérez les gens du monde entr’eux ; il n’y a rien de si timide : c’est l’orgueil qui n’ose pas dire ses secrets, & qui, dans les égards qu’il a pour les autres, se quitte pour se reprendre. Le christianisme nous donne l’habitude de soumettre cet orgueil ; le monde nous donne l’habitude de le cacher. Avec le peu de vertu que nous avons, que deviendrons-nous, si toute notre ame se mettoit en liberté, & si nous n’étions pas attentifs aux moindres paroles, aux moindres signes, aux moindres gestes ? Or, quand des hommes d’un caractere respecté manifestent des emportemens que les gens du monde n’oseroient mettre au jour, ceux-ci commencent à se croire meilleurs qu’ils ne sont en effet ; ce qui est un très-grand mal.


Nous autres gens du monde, sommes si foibles, que nous méritons