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25 ANS DE LITTÉRATURE FRANÇAISE

Réaliste aussi, M"^® Simone Bodève s’est attachée à des personnages d’âme plus profonde et de vie plus réglée ; après Clo et Son Mari, La Petite Lotte fourmille de personnages vrais, frappants. Enfant du peuple, autodidacte, Simone Bodève a tous les défauts de l’autodidacte, surtout quand elle veut philosopher. Mais quel regard profond et direct elle avait su jeter autour d’elle ! Je dis « avait », car elle est morte pendant la guerre, épuisée de travail. Pour connaître l’existence des ouvrières et des employées à Paris au début du xx^ siècle, il faudra recourir à la première partie de La Petite Lotte et à ses études sur Celles qui travaillent (19 13).

A la suite de Simone Bodève, on placerait Marguerite Audoux, cet autre autodidacte qui, tout en continuant son métier de couturière, a romancé de touchants souvenirs d’enfance et d’adolescence : Marie-Claire (19 10). Mais le « métier » de Marguerite Audoux, écrivain, n’est pas inégal comme celui de Simone Bodève : ses récits de V Atelier de Marie-Claire, sont discrets, racontés d’une voix douce et cristalline, dans une fine grisaille française, et peu à peu l’on est pénétré par cette tristesse « étale », par cet accent si poliment déchirant. Octave Mirbeau et Charles-Louis Philippe admiraient l’art de Marguerite Audoux.

Cette intégration du roman anglais (de seconde zone) dans notre littérature d’imagination, qu’a tentée Mlle Alanic, il me semble que M^i^ Yvette Prost (^) l’a réalisée. Ses romans émouvants et honnêtes sont la vie même. Elle a ce don de familiarité, cet humour intime, ce don de la vie intérieure, des romanciers anglais. Yvette Prost s’intéresse surtout aux enfants pauvres, aux Vies manque’es, et limite son observation à la province. Ses débuts sont de 1907.

M"^® Lucy Achalme, est aussi une romancière provinciale attachée à sa région ; elle a publié en 1908 un admirable roman de mœurs auvergnates Le Maître du Pain, qui présente ces communautés de famille dont la persistance en Auvergne est un fait si peu connu ; c’est un des livres les plus solides et les plus gravement émouvants que l’intelligence féminine ait produits.

Née dans l’Afrique française du Nord, M^^ Magali Boisnard nous a donné des récits algériens (2). Son premier livre est de 1907.

De 1910 à 191 4, nous voyons débuter : dans le roman plus proprement psychologique, M^es Claude Varèze, Pernette Gille, Annie de Pêne, Madeleine André-Picard, Jeanne Broussan-Gaubert, Lucie Paul-Marguerite, Jeanne Galzy, Claude Sylve, Madeleine Paul, Andrée Viollis ; dans le roman de mœurs, Odette Keun, Neel DofF, Jeanne Marais, Marion Gilbert, Jean Balde ; dans le roman à thèse, Louise Compain, Odette Dulac, Pauhne Valmy, Noël Francès.

(•) Salutaire Orgueil, Catherine Aubier, etc.

(•) Les Endormies, l’Alerte au Désert, Maadith. (Poème : le Chant des Femmes , 1917.)

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