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sortir trop tôt ; mais, dès le lendemain de ma première visite, il me fallut reprendre le train ordinaire. En passant sous ma fenêtre, il m’engagea à me promener ; j’y fus, et il me tint deux heures dans le jardin. Ce jardin nous tuait tous de fatigue dans les commencements de notre établissement à Longwood.

Avant le dîner, il ne faisait pas asseoir ces messieurs ; ils étaient quelquefois près de se trouver mal. Le général Gourgaud s’appuyait contre la porte : je l’ai vu pâlir en regardant la partie d’échecs.

L’Empereur ne jouait pas très bien ; il voulait que l’on jouât si vite, qu’on en était étourdi ; aussi fàisait-il. parfois des fausses marches et l’on ne manquait pas de l’en avertir. Alors il disait : « Ah ! je suis donc un tricheur ? Bertrand (ou un autre), dit que je suis un tricheur. »

Quelquefois, il établissait pièce touchée, pièce jouée, mais c’était seulement pour son adversaire ; pour lui, c’était différent. Il avait toujours une bonne raison pour que cela ne comptât point, et si on lui en faisait l’observation, il riait. La partie d’échecs menait jusqu’au dîner, fixé à huit heures.