un des plus pénibles, un des plus horribles spectacles que l’homme puisse se donner… Ces actes, ces fautes, ces plaisirs pour lesquels on avait du mépris, on s’y laissait entraîner ; maintenant qu’ils vous donnent une soif d’enfer, vous n’y cédez pas. C’est la récompense : elle est lente, elle est rare ; elle est maudite parfois, lorsqu’elle vient ; mais il est impossible que cette fleur n’ait pas un fruit. Cette conviction reste au milieu du désespoir : c’est une barre à laquelle on se tient et qui ne rompt pas dans les mains. Mais en s’y cramponnant, que de fois l’on désire mourir ! Que de fois l’on demande à la vague de triompher et d’emporter au loin sa victime !… Quelle que soit, au surplus, l’issue de la lutte, je proteste d’avance contre la lâcheté qui me ferait succomber »[1]. J’ai voulu laisser ici Veuillot parler longuement. Il dut lutter contre lui-même avant de combattre les autres. On ne l’a pas assez montré. Il n’y a pas de plus noble sincérité que celle de ces gémissements. Elle dévoile le tourment d’une grande âme. Elle nous montre à nu la source de sa force future. Nous assistons à la naissance de Veuillot. S’il a écrit plus tard des pages qu’on pourrait lui reprocher, il semble que ces lignes les effacent d’avance tant elles sont belles de douleur.
- ↑ Correspondance, vol. I, pp. 27 et 30.