Page:Montpetit - Poissons d'eau douce du Canada, 1897.pdf/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
86
LES POISSONS

Ce poisson fraie au printemps, comme tous ses congénères, de fin mai au huit ou dix juin ; il se creuse un nid le long des grèves, dans le gravier, en forme de cercle d’un diamètre de quinze à dix-huit pouces, sous une couche d’eau d’un pied d’épaisseur au plus.

Le nombre de ses œufs est inconnu, mais on sait que comme l’achigan et ses alliés il veille avec un soin jaloux sur ses œufs et sa progéniture, et qu’il se multiplie d’une façon prodigieuse dans toutes les eaux où il a été déposé jusqu’ici. Pas plus que l’achigan il ne saurait être soumis aux procédés de la pisciculture ; mais cela importe peu, car, d’un seul coup de seine, on pourrait en capturer plus de mille dans les eaux du canal Rideau et les étangs que j’ai mentionnés plus haut. Nous trouverions profit à le cultiver dans des étangs ou dans des lacs spécialement protégés pour en faire des greniers de semences d’alevins destinés à ensemencer d’autres lacs ou cours d’eau, aujourd’hui stériles ou peuplés de poissons mous sans valeur. Que l’exemple parte de là, que ce beau poisson fasse son apparition avec honneur sur nos marchés et vous verrez nombre de particuliers emboiter le pas, pour s’enrichir en s’amusant. On peut compter que ce poisson ne tardera pas à faire son tour d’Europe, d’Asie même, à la suite de l’achigan, du huananiche et d’autres poissons canadiens.

Le crapet calicot est doux d’entretien : il se nourrit principalement d’insectes, de petits coquillages, de mannes et d’éphémères quelconques. Toutefois, il saura bien croquer en passant, ici une écrevisse, là une sangsue, ailleurs, un minnuce égaré dans ses herbages, il mordra même au ver rouge et à l’asticot. Pour être modéré dans son appétit, il n’en est pas moins carnassier. Il dîne à l’anglaise, le soir, et prolonge les plaisirs de la table fort avant dans la nuit, surtout quand la lune éclaire la salle du festin.