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L’ACHIGAN

confusion. C’est un grand pays que celui où la main de l’autorité presse celle de la science, l’encourage, la pousse dans la voie du progrès, en lui ménageant avec dignité, avec reconnaissance même, les moyens d’indépendance et les faveurs de la fortune.

Le congrès des naturalistes commença par réunir des individus provenant de lacs ou de cours d’eau des divers États du centre pour les comparer avec les nombreux et admirables spécimens du Smithsonian Institute ; il lui en vint ensuite de tous côtés, pris à diverses altitudes, dans des eaux cristallisées et dans des eaux vaseuses, sous les glaces de la rivière Rouge et dans les bayous de la Louisiane ; et, après les avoir comparés, examinés, étudiés dans leurs mœurs pendant cinq ans, il en rangea treize espèces sous la rubrique de petites bouches, et laissa les neuf autres espèces dans la catégorie des grandes bouches.

Au cours du rapport qu’il fit à ce sujet, le Dr Gill détermine les différences entre les deux espèces, mais ce rapport étant d’accès assez difficile — vu qu’il fait partie des délibérations de l’Association américaine pour l’avancement des sciences — nous croyons opportun de l’analyser en quelques lignes :

« Dans l’achigan grande bouche, la mâchoire supérieure se prolonge un peu en arrière des yeux, pendant que chez l’autre espèce, elle s’arrête un peu en avant. Entre l’ouverture des ouïes et la base de la caudale, on compte de soixante-cinq à soixante-dix rangées d’écailles chez le premier, au lieu de soixante-douze ou plus que présente le second. Sur les opercules, l’achigan grande bouche a dix rangées obliques, lorsque l’achigan petite bouche en a dix-sept ; de plus, l’achigan grande bouche offre de 7½ à 8 rangées entre la ligne latérale et la nageoire dorsale contre onze rangées que développe l’achigan petite bouche. Il existe d’autres distinctions, telles que l’absence d’écailles à la base des nageoires dorsale et anale, un plus petit nombre de rayons épineux aux nageoires pectorales (treize ou quatorze au lieu de seize ou dix-sept), et une moindre élévation de la dorsale épineuse chez l’achigan grande bouche. Il n’y a pas lieu de tenir compte de la différence de couleurs qui n’est qu’accidentelle, car ce poisson possède la faculté commune à divers animaux de prendre la couleur du fond où il se trouve, de passer du noir au vert sombre, du vert sombre au vert jaunâtre, suivant l’épaisseur de la couche d’eau qui le couvre, suivant qu’il est à l’ombre ou au soleil ; après sa mort, il prend une teinte jaunâtre, marbrée quelquefois de taches noires. »

Ici le portrait de l’achigan par Cuvier et Valenciennes, quoique crayonné d’après un modèle estropié, doit trouver encore sa place :