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LES POISSONS


PORTRAIT DE L’ESTURGEON


Mais avant de l’apprécier, commençons par faire sa connaissance.

L’esturgeon appartient à la sous-classe des chondroptérygiens à branchies libres ; c’est un poisson cartilagineux protégé par un casque et cinq séries de boucliers osseux, garnis d’une pointe acérée, droite ou recourbée, différemment disposée. Le nombre de ces boucliers varie suivant les espèces ; chez certains individus ils se cachent sous la peau, disparaissent sous le ventre, et avec l’âge finissent par s’éclipser entièrement. Cela se voit surtout chez le brevirostris et le spatulaire. Entre ces rangées d’écussons épineux, la peau, d’un brun foncé ou d’un gris sale, est rugueuse comme celle des sélaciens, dont on fait une imitation de chagrin. Le ventre est blanc laiteux ou jaune pâle. La tête de l’esturgeon est conique en dessus, plate en dessous ; une tranche de son corps en position naturelle, coupée perpendiculairement, représente le pignon d’une maison ordinaire. Entre la bouche et le museau pendent quatre barbillons qu’il agite pour simuler des vers et attirer de pauvres innocentes ablettes dont il se fait des petits plats délicieux, sans aucuns frais culinaires. Sa bouche, petite pour un si grand corps, fortement caronculée, se distend en flûte ; elle est douée d’une énergique capacité préhensive qui lui permet de retenir une proie vigoureuse en l’absorbant lentement. Ainsi fait-il des jeunes palmipèdes imprudents qui vont barbotter dans ses eaux, mais je ne le crois pas capable de s’emparer d’un saumon ou d’une morue, hors que ceux-ci s’y prêtent par complaisance. Yeux petits ; narines doubles en ligne droite avec les yeux vers le museau ; un léger orifice au-dessus de l’œil ; opercule branchial accessoire ; membranes des branchies unies à l’isthme ; pas de branchiostèges ; l’os maxillaire distinct du prémaxillaire ; tête couverte de plaques osseuses unies par des sutures ; les rayons des nageoires minces, tous articulés ; nageoires verticales avec des supports ; pectorales basses ; ventrales garnies de rayons, placées au delà du milieu du corps ; dorsale en arrière, anale encore plus en arrière ; caudale hétérocirculaire, le lobe inférieur peu développé ; vessie natatoire grande, simple, reliée à l’œsophage.

La famille acipenséridée se compose de deux genres et d’environ vingt espèces, au plus, quoique les auteurs nous donnent la description de plus d’une centaine d’espèces. Le nombre des espèces américaines a été