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L’ESTURGEON

que les œufs fussent presque secs et enveloppés de sel ; on ajoutait des épices à cette préparation.

« Le caviar en grains, tel qu’il nous est livré par le commerce, forme une masse assez analogue par sa couleur et sa consistance au savon vert de Hambourg ; son odeur est pénétrante, un peu ammoniacale, sa saveur âcre et piquante. Ce produit est fort recherché dans toute la Turquie, en Russie, dans le sud de l’Allemagne et en Italie ; il est vendu en grande quantité aux Grecs et aux Arméniens qui en consomment des masses énormes pendant leurs longs carêmes.

« À notre époque, le caviar est peu recherché en France, mais vers le milieu du dix-huitième siècle, ce condiment, après avoir été longtemps oublié, acquit quelque faveur et parut avec distinction sur les tables les mieux servies. Aux quinzième et seizième siècles, les Provençaux recherchaient l’esturgeon pour en préparer les œufs. Ces œufs séchés au soleil, saupoudrés de sel blanc écrasé fort menu, formaient une espèce de pâte qui était conservée dans des vases de terre vernissés remplis d’huile.

« Le caviar passe pour échauffant et excitant, l’on s’en sert dans les cas de débilité d’estomac fréquents chez les vieillards, surtout dans les pays chauds. »


DU STERLET


Mais j’y songe, je n’ai encore soufflé mot du sterlet, l’esturgeon lilliputien des grands fleuves d’Europe, dont la taille ne dépasse jamais trois pieds, en y comprenant un bon demi-pied de museau, et le poids, jamais vingt-cinq livres, et cependant que de gourmets, de petits crevés, de pschutts dans toutes les capitales d’Europe ne connaissent en fait d’esturgeons que celui-là, pour l’avoir payé, certain soir, à raison de dix fois son poids en or ? Ne faut-il pas des dents de perles pour les croquer ?

Je ne sache pas que ce poisson existe en Amérique, sauf au Labrador peut-être, mais j’en donne tout de même le portrait, afin qu’on puisse le reconnaître, si on le rencontre :

« Museau d’une longueur exagérée ; barbillons longs et frangés ; lèvre supérieure étroite, lèvre inférieure divisée en son milieu ; les écussons échancrés en arrière sont garnis d’une carène oblique terminée par une pointe épineuse ; il n’existe pas de scutelles étoilées. Le dos est d’un gris brunâtre ou d’un jaune brun allant, chez certains individus, presque jusqu’au noir ; la couleur des écussons est d’un brun sale ; les ventrales sont légèrement rougeâtres. »