Page:Montpetit - Poissons d'eau douce du Canada, 1897.pdf/285

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261
L’ANGUILLE

LES MURÈNES


L’Anguille commune. — Anguilla vulgaris. — Anguilla Murena. — The Ecel (anglais). — All (suédois). — Ingola (hongrois). — Anguilia (italien). — Anguia Inguia (portugais).


L’anguille brûle !… Glissant comme une anguille !… Il y a anguille sous roche !… Il échappe comme une anguille !…

On entend ces dictons, proverbes ou aphorismes, tous les jours, dans la famille ou les groupes canadiens-français ; ce qui prouve que l’anguille est un poisson universellement connu, car un proverbe ou une comparaison, pour frapper l’imagination du public, a besoin de prendre un type vulgarisé de longtemps.

L’anguille est de tous les pays, ou à peu près, si l’on en excepte toutefois, pour le vieux monde, certaines régions centrales, comme le Danube, la mer Noire et la mer Caspienne, quoiqu’on la rencontre, en abondance parfois sur le pourtour de la Méditerranée ; et pour le nouveau monde, sa présence n’a été constatée nulle part dans l’Amérique de Sud, non plus que sur les côtes ouest de l’Amérique du Nord, quoiqu’on la pêche, au dire de Lacépède, dans des contrées très chaudes, à la Jamaïque, dans d’autres portions de l’Amérique voisines des tropiques, dans les Indes orientales ; elle n’est point étrangère non plus aux régions glacées, à l’Islande, au Groënland même.

De toute antiquité historique, il a été question de l’anguille, à des titres divers. Des philosophes, des historiens, des poètes s’en sont occupés ; ces murènes engraissées de cadavres humains, par les empereurs romains et leurs favoris, étaient des anguilles, n’est-ce pas ! On leur trouvait même bon goût, je crois. Nous qui touchons aux Romains par tant de points, convenons d’être plus doux pour les cannibales.

Des gens vous diront qu’il existe une quarantaine d’espèces d’anguilles, vivant dans les eaux douces et saumâtres. Le moyen de distinguer ces espèces les unes des autres est un secret dont une science hasardée a perdu la clef. Faut-il se fier à Aristote et à Pline ? Selon eux, il n’existe que deux espèces d’anguilles, les anguilles à tête pointue et les anguilles à tête large. Depuis, les pêcheurs français ont ajouté à ces deux types de provenance antique, l’anguille à bec moyen, dont de Brehm écrit ce qui suit :