Page:Montpetit - Poissons d'eau douce du Canada, 1897.pdf/335

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
310
LES POISSONS

Jean. Il existe un établissement de pisciculture à Tadoussac d’où sont distribués, chaque année, de grandes quantités d’œufs fécondés et d’alevins dans les rivières des environs.

La rivière Laval, à soixante milles au-dessous de Tadoussac, est un bijou de rivière à la truite, remplie de charme et de ravissantes surprises pour le pêcheur intrépide et vigoureux que rien n’émeut, qui se rit des fatigues, qui dort heureux sur un lit de sapin, au bruit des vents, au grondement des chutes, au hurlement des fauves. Le célèbre ichtyologiste Walton, accompagné de Barnwell, a visité cette rivière en 1862, et tous deux sont revenus enchantés de leur excursion. Un guide leur avait dit : « Vous voyez cette eau vaseuse, elle ne dure que jusqu’aux premiers rapides, après lesquels vous tombez dans une véritable eau de roche ; il y a plusieurs portages à faire pour gravir l’escalier des chutes, cela prend un jour de marche, en enlevant de-ci, de-là, quelques truites sur la route. Arrivés au-dessus de la dernière chute, au lieu de suivre le cours serpentant de la rivière, nous piquons à travers bois dans une direction franc nord, portant canots, armes et bagages sur nos épaules, et après cinq heures d’une marche fatigante, vous voyez s’ouvrir devant vous un lac de deux milles de longueur par un mille de largeur, d’un ovale parfait, entouré de verdure, une vraie corbeille à fond de cristal. Ce que ce lac contient de beaux poissons, vous ne sauriez le croire. Vous y trouvez, à l’extrémité nord, le poisson-blanc, le chevesne, le touradis, le brochet, le doré, pendant que l’attihameg et la truite timides et craintifs restent sur le seuil, à l’entrée de la décharge, prêts à détaler à la moindre manifestation hostile. Pour revenir, nous nous laisserons glisser, de remous en remous, sur un courant de velours, en pêchant sans cesser de prendre, sur un parcours de quinze milles, refaisant ainsi avec plaisir, et comme par enchantement les cinq milles de portage si pénibles de la veille. Je vous promets tout simplement une pêche merveilleuse. En êtes-vous ? Dites. »

Les deux amis se laissèrent gagner et ils n’en eurent pas de regret. Le succès dépassa les promesses du guide, et même leurs propres rêves, pour la beauté, la taille et le nombre de poissons, truites, dorés, brochets et chevesnes qu’ils capturèrent dans le lac et au retour.

La rivière Betsiamites fait le drainage d’un vaste territoire jadis fort bien boisé, mais qu’une exploitation rudement menée a presque entièrement dépouillé de ses produits forestiers. La flottaison des bois, les maraudeurs montagnais, les loups marins ont chassé le saumon de cette rivière où il trouvait une large hospitalité. La truite persiste à y rester, et c’est une truite de rare beauté.

À Manicouagan, une chute de plus de cent pieds de hauteur arrête le saumon à une courte distance du fleuve Saint-Laurent, et toutefois,