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LE SALMO SALAR ou SAUMON COMMUN

au-dessus de cette chute dans le lac Manicouagan, se trouvent de magnifiques salmo-salars. C’est que la rivière Godbout, qui a son embouchure à quinze milles plus bas, sert également de déversoir à ce lac et permet au saumon de s’y rendre par un escalier relativement facile.

Me trouvant de passage à Godbout, en 1890, j’y recueillis les notes suivantes : « M. Gilmour est le propriétaire de cette rivière depuis son embouchure jusqu’à dix milles en profondeur. Il y vient, chaque année, passer la saison de pêche, avec quelques amis, dans un magnifique cottage muni de tout le matériel désirable. La capture moyenne de la pêche au lancer, durant la saison, y est d’environ cinq cents saumons. On ne tient pas compte de la truite, fort belle pourtant, et si abondante, que d’un seul coup de seine, M. Comeau, le garde-pêche de M. Gilmour, en a capturé, le matin même de mon passage, pas moins de 5,000, dont le poids total a été de 2,900 livres. Cette truite a été vendue à l’avance par contrat, à la compagnie Fraser, au prix de 4 sous la livre, et elle est transportée dans la glace, à Québec, par un caboteur de cette compagnie. Ce coup de filet rapportait ainsi à M. Gilmour la jolie somme de $116, mais il faut dire que c’est un coup exceptionnel, car autrement l’état de pêcheur vaudrait mieux que celui de ministre à Québec ou à Ottawa. Le produit annuel de la rivière, en truites, saumons et autres poissons pris en eau saumâtre, ne dépasse guère 12,000 livres. Au delà des dix milles possédés par M. Gilmour la rivière est encore bonne, excellente même pour la pêche au saumon et à la truite, à la mouche. M. Comeau nous dit que sauf Moisie et Natashquan, il n’en voit pas de plus avantageuse sur toute la Côte Nord et lui-même a déjà songé à l’exploiter à son profit. Il existe un chemin détourné, par les bois, qui conduit en raccourci à la tête des rapides des dix milles, où commence une série de très belles fosses à saumon. La distance à parcourir est de seize milles, dont douze par eau, sur trois lacs, et quatre par portages où il serait facile d’ouvrir de bons chemins.

La Grande et la Petite Trinité ont baissé depuis une quinzaine d’années ; la Pentecôte est nettoyée, disent les pêcheurs de la Côte.

Un peu au nord-ouest des Sept-Îles, débouche la rivière Sainte-Marguerite, d’un accès facile, à marée haute, et offrant un port sûr, à l’abri de tous les vents. Les premiers rapides présentent un tableau grandiose, une masse blanche énorme, déchiquetée, pendant en mèches ou se déroulant en boucles sur le front des rochers. Dans les girations et les bouillonnements du bassin se jouent des troupes de loups marins d’esprit, la terreur de la gent salmonidée. Au-dessus des rapides, et passé une certaine étendue d’eau profonde se trouve la chute mesurant de vingt à vingt-deux pieds, en juillet, couronnée d’une roche en plein front qui force le courant à se tordre des deux côtés de manière à se