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LA TRUITE COMMUNE

« Maintenant, se demandera-t-on, quel est le remède au mal ? Il est bien simple. La loi actuelle est sage et opportune ; elle sauvegarde les intérêts du colon aussi bien que ceux des sportsmen. Qu’on prenne les moyens de la faire observer. Qu’on nomme des gardes-pêche intelligents, honnêtes et industrieux dans les localités où il en faut ; qu’on fasse surveiller les lacs, les stations de chemins de fer et les endroits d’où la truite s’expédie ordinairement : qu’on confisque le poisson pris en temps défendu ; qu’on impose de fortes amendes, et quand les commerçants s’apercevront que le trafic devient dangereux, ils ne tarderont pas à l’abandonner. Nous sommes bien certain que si quelques-uns de ces individus tombaient sous l’action du juge Dugas, qui est un « grand pêcheur » devant Dieu et devant les hommes, ils ne s’en tireraient pas les mains nettes. Les colons ne trouvant plus d’acheteurs à leur porte cesseraient de pêcher pendant le temps défendu, et tout rentrerait dans l’ordre.

« D’un autre côté, le gouvernement local a son devoir à remplir. Il importe qu’il encourage la formation de clubs de chasse et de pêche. Ces clubs sont d’un grand avantage pour la protection du gibier et du poisson, tout en favorisant les pauvres colons à qui ils donnent un emploi rémunératif et qu’ils paient comptant par les provisions qu’ils achètent. Ces clubs sont aussi des gardiens spéciaux qui ont pour mission de voir à ce que les poissons des lacs soient protégés. Il existe plusieurs de ces clubs en divers endroits de la province ; le nombre pourrait en être quintuplé avec avantage. On a peu d’idée du bien que de telles associations ont fait dans les comtés d’Ottawa et de Pontiac. Les lacs de cette région étaient presque complètement ruinés par la pêche d’hiver, quand le Bureau des terres se mit à les louer à différents clubs. À l’heure qu’il est, il n’y a pas moins de quinze à dix-huit associations de ce genre sur le parcours des chemins de fer de Pontiac et de la Gatineau, et le nombre en augmentera quand la ligne sera ouverte jusqu’au Désert. Il ne se voit plus de truite prise en temps défendu sur les marchés d’Ottawa, ni dans les hôtels. Les colons comprennent que leurs meilleurs amis sont les sportsmen qui les paient généreusement pour tout ce dont ils ont besoin. Il en sera de même pour le Grand Nord si l’on veut bien adopter les moyens que nous venons de suggérer. »

Pour la truite libre ou sauvage de nos lacs, l’été s’est écoulé dans une noce perpétuelle, dans des jouissances sans cesse renouvelées, toujours vives autant que variées. Gourmande, elle trouve à sa portée, dans le cristal des eaux, des mets abondants et savoureux, sous forme de blanchaille ou d’ablette de toute description, des insectes à foison, des buissons d’écrevisses, à demande, tout cela apprêté à la Vatel ou à la Brillat-Savarin. Le dessert se prend sur la nappe des eaux, comme à la