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LES POISSONS

CUILLER (Pêche à la)


En Angleterre, en Irlande et surtout en Écosse, les rivières se livrent à une série de cascades et de rapides au milieu desquels se réjouit une population de truites magnifiques. C’est là qu’on trouve la truite saumonée (fario argenteus), que les Irlandais nomment la truite de mer, et les Écossais la queue noire. Les spécimens de ces poissons pèsent, l’un vingt-quatre livres et demie, et l’autre vingt et une livres, et ainsi de suite. C’est au milieu de ces eaux bouillonnantes qu’on va attaquer la truite du Loch-Leven (salmo cœcifer, Parn.), au pied de la prison de la belle reine Marie. La truite commune ne s’y fait pas remarquer non plus par son absence, mais bien par ses dimensions colossales. Quatre étant prises, on les met dans la balance… La plus grosse pèse dix-sept livres, les trois autres chacune quinze !… Vivent les Écossais !

Nous allions oublier la grande truite des lacs (salmo ferox) ; une amie des eaux profondes, pour laquelle on amorce sa ligne au moyen d’une petite truite montée en tue-diable, au milieu de 6 à 8 hameçons forts, dit Yarrell. On leur offre aussi en holocauste de jeunes brochets qu’elles acceptent avec reconnaissance. Il est vrai que l’une d’elles pesait trente-quatre livres ! c’était la plus grosse. Celle qui venait après ne pesait que trente-deux livres, et la dernière, une plume… un duvet !… seulement vingt-sept livres.

— Comment aller attaquer de semblables monstres ?

— À la cuiller.

— Oh !

— Pas tout à fait avec la cuiller qui sert à une belle dame pour prendre une glace, mais avec quelque chose d’analogue, et… disons-le hautement, cette cuiller-là, convenablement assaisonnée, ferait parfaitement notre affaire.

On n’en est pas arrivé là du premier coup.

Les pêcheurs habiles — et ils sont nombreux dans ce pays-là — ont commencé par mettre à leur hameçon un poisson vif. Celui-ci n’a pas plus tôt touché les ondes bouillonnantes, que, déchiré en mille pièces, emporté, il a disparu. D’expérience en expérience, les pêcheurs se sont assurés qu’un poisson vif ne présentait pas assez de résistance pour une traction semblable à celle que lui infligent ces bouillons d’eau tombant sur lui. De plus, ils se sont aperçus que la truite, toujours en chasse