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DES POISSONS

« On laissa les deux vérons dans cet état jusqu’au 3 août, époque à laquelle on jeta dans la jarre d’autres poissons de la même espèce ; ils étaient tous de couleur uniforme, noirs sur le dos, avec des bigarrures noires et des reflets dorés sur les côtés ; les mêmes changements que nous venons de décrire se succédèrent sur ces nouveaux venus, mais dans tous les cas le ventre retint son aspect argenté.

« Toutes ces expériences avaient été faites dans un coin obscur de la chambre ; on en répéta de semblables dans une autre partie de l’appartement, parfaitement éclairée, mais non exposée aux rayons du soleil : enfin, on transporta le théâtre des observations sous les rayons du soleil.

« Dans tous les cas, les résultats furent les mêmes, à savoir : que ces animaux prenaient la couleur du vaisseau dans lequel ils étaient placés. Dans les vases en verre exposés à la lumière, peu de changements de couleur eurent lieu, quoique, aux différentes périodes du jour, et chez des individus différents, on observât à un certain degré des modifications dans l’éclat des nuances.

« N’est-ce point là un fait merveilleux, que de voir des animaux subir un tel changement chaque fois qu’ils passent d’un milieu dans un autre, et cela avec une telle rapidité, en quelques heures, quelquefois même en quelques minutes ! »

On sait qu’un grand nombre d’animaux, surtout parmi les oiseaux, changent de couleur à certains moments de l’année. Tout le monde sait que ce moment correspond à celui des amours, à l’édification du nid et à l’éducation de la jeune couvée. Linné a donné à ce changement d’habit, quelquefois fort brillant, le poétique nom de plumage ou de costume de noces.

Eh bien ! toutes ces modifications si intéressantes et encore si peu étudiées de la couleur propre du corps, se retrouvent chez les poissons d’une manière prononcée. Plus riches en cela que toutes les autres classes d’animaux, ils ont tout à la fois la parure de noces et l’adaptation de couleurs, sans négliger de disputer aux oiseaux le privilège de faire porter une livrée aux jeunes de leur race. De même que les petits de toutes les espèces d’oiseaux revêtent dans leur enfance un plumage qu’ils ne conserveront pas et qui les rapproche tous des femelles, de même, chez nombre de poissons, et pour n’en citer qu’une famille — prenons celle des salmonidées — les alevins revêtent soit une livrée terne et analogue à celle de la femelle, soit — ce qui arrive le plus souvent — un système de coloration par taches ou par bandes absolument différent de celui de l’adulte : il en sera question à l’article du saumon.

Les truites ont, depuis de longues années, été étudiées au même point de vue de la coloration, et toutes les expériences ont conduit à cette démonstration : que la robe était mutable dans cette espèce, et que la cou-