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LA CARPE

Je demandais, l’autre jour, à l’un de nos marchands de poisson de Montréal : « Croyez-vous que la brême existe dans les eaux du fleuve Saint-Laurent ? »

— Si j’y crois ? mais sans doute ; à preuve, je puis vous en montrer dans mon étal des spécimens d’assez belle taille. Et je vis là un poisson d’un pied et demi de long, le dos en taillant de hache, et le ventre aplati sur une ligne droite, de la queue à la tête : du reste, mêmes écailles, même couleur que le moxostôme doré, avec lequel il vit dans une confraternité touchante. Il faut dire toutefois que sa bouche est de beaucoup plus petite, et moins fortement caronculée.


Voici comment les auteurs français font le portrait de la brême de leur pays :


« Corps très large et très plat, dos arqué, caréné en avant, noirâtre ou vert bleuâtre ; côtés et ventre d’un blanc jaunâtre. La ligne du dos et celle du ventre forment un cran auprès de la dorsale et de l’anale.

« La tête est petite, pointue et comme tronquée, l’œil petit, la bouche petite, sans barbillons ; on aperçoit dans son intérieur une langue rouge, molle et épaisse, adhérente au palais. La nageoire anale est grande (27 rayons), plus large à la vue que la caudale qu’elle rejoint presque. La caudale est fourchue. Dorsale (11 rayons) ; caudale et anale blanches bordées de brun fondu. Un appendice auprès de chaque ventrale ; 32 vertèbres et 15 côtes de chaque côté.

La brême est souvent mise au nombre des carpes, mais elle se rapproche beaucoup plus du gardon (la bouche exceptée), et surtout de la rosse, quoique plus grasse, plus large et moins épaisse. Les brêmes des rivières ne sont jamais aussi grosses que celles des lacs. Celle qu’on m’a fait voir venait du lac Saint-Pierre ; elle mesurait bien dix-huit pouces de longueur.

« La brême est le poisson des eaux tranquilles ; elle vit où vit la carpe, mais celle-ci occupe le rez-de-chaussée — et la brême le premier étage. Elle croît assez rapidement ; sa chair est blanche, ferme et de bon goût, surtout quand le poisson est un peu gros. Extrêmement timide, souvent elle n’ose pas aller dans les herbes du bord déposer son frai, et les œufs se décomposant dans son corps la sont périr au bout de quelque temps.

« La brême dépose ses œufs dans les herbiers, et se retire dans les eaux profondes où elle vit d’insectes, d’herbes et de limon. À l’époque du frai, le corps du mâle, comme celui de la carpe, se couvre de verrues ou de proéminences disséminées sur sa peau. À chaque époque, chaque femelle est souvent suivie de trois ou quatre mâles.