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LE MULET CANADIEN

mie de termes. Il ne nous reste plus qu’à faire rentrer le chevesne dans les termes de notre économie.

C’est surtout dans l’étude des cyprins que l’on sent le besoin de gravures représentant chacun des sujets traités. Mieux vaudrait sans doute avoir un musée bien ordonné ; mais faut-il y songer, lorsque dans l’effort louable fait par le gouvernement d’Ottawa on n’est parvenu qu’à réunir à peine une cinquantaine de familles de nos poissons précieux ? Sur une vingtaine d’espèces de poissons blancs que nourrissent les eaux du Canada, une seule figure dans le musée d’Ottawa. Et encore, si ce spécimen se montrait sous son vrai nom ; mais, d’un ide, le classificateur a fait un gardon. Un trait de plume a suffi à la métamorphose, un trait d’esprit l’eût empêchée.

Tous nos cyprins de forte taille fraient en même temps que le moxostôme. Les glaces une fois rompues et charriées, le soleil leur apporte avec ses premiers rayons le sentiment de la reproduction, la chaleur qui multiplie la vie. L’Ide pond de 60,000 à 70,000 œufs, le chevesne est de beaucoup plus prolifique. S’il fait ses amours en eau trouble, au printemps, il passe les beaux jours de l’été, et jusque tard à l’automne, dans les eaux vives et profondes, dans des haïs, des remous battus ou tourmentés par des courants rapides. On le prend à toutes profondeurs, souvent même à la surface ; mais, novembre venu, dès les premiers bordages, vers la Sainte-Catherine, il se réfugie dans des fosses profondes, sur un fond uni et bien sablé — où il vit de coquillages et de petits crustacés. Il ne quitte le fond que de quelques pouces, il devient lourd, et se traîne lentement vers l’esche que lui tend le pêcheur.

C’est pourtant le temps des grandes pêches, des pêches quasi miraculeuses, par le nombre et la grosseur de ces beaux poissons. Ils sont là serrés, tassés par mille et par mille. Dès que le plomb a touché le fond et que les hameçons sont relevés à hauteur de bouche, la ligne s’agite, et d’un coup sec, vous faites capture — de un ou deux ides, chevesnes ou dobules, du poids de plusieurs livres. Vigoureux à l’extrême, ces poissons tiennent ferme et ce n’est que lentement, et, par coupes successives graduelles, comme s’ils gravissaient un escalier tournant, qu’on réussit à les enlever hors de l’eau. À la vue de la lumière, ils bondissent avec fureur, puis cherchent à gagner le fond. Le premier choc est rude, mais vous résistez sans crainte, car leurs lèvres sont fortes et charnues. Du moment qu’un chevesne est bien enferré rarement il nous échappe.

À cette saison de l’année — les vers rouges et les écrevisses étant rares, les cerises étant disparues — les sauterelles ? — on esche avec une