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LES POISSONS

néanmoins dépérir d’année en année, et finir par s’éclipser de nos eaux. Ne serait-il pas possible de se renseigner sur la manière de pêcher le doré en Europe, et sur les moyens de protection qu’on y prend pour conserver et multiplier ce précieux poisson, tout en en retirant de beaux revenus ?

S’agit-il de la pêche à la ligne au printemps, elle commence dès la débâcle des glaces, vers la fin de mai, dans les anses, à l’orée des ruisseaux gorgés et charriant graines et vermisseaux.

Ce sont les dorés d’un an, de deux ans au plus, qui s’en vont ainsi marauder, écumer le long des bords : les gros, les anciens se rassemblent dans les grandes fosses, dans les remous ou le milieu des cours d’eau. Vous en accrochez quelques-uns peut-être, au mois de juin, en promenant votre troll près des fonds herbeux, sous un chaud soleil matinal, et dans l’après-midi passé l’heure de la collation. Au printemps comme à l’automne, c’est une heure avant et une heure après le soleil couchant qu’il donne le mieux. Été comme hiver, c’est le poisson vif qu’il préfère ; il mange un peu de tout, vers, écrevisses, bœuf, sauterelles, mannes, scorpions, pourvu que ce soit de la chair fraîche.

Il est des endroits où le doré se pêche à la mouche avec succès, d’autres où il se pêche à la troll montée sur une légère mais solide perche de ligne ; toutefois, c’est à la ligne de fond qu’on doit donner la préférence, en se souvenant que c’est un poisson qui rase les platins unis et sablonneux.

Au lac Pepin, dans le Minnesota, où les dorés des deux principales espèces s’attroupent par bandes innombrables, on les pêche en ouvrant des trous dans la glace, par centaines ; en employant les lignes appâtées de petits poissons vivants, accrochées à des lattes en balancier sur un essieu de bois posé en travers du trou. À la moindre attaque, la latte se redresse perpendiculairement, et reste ainsi tant que la ligne n’est pas soulagée. Sur une série de vingt-cinq lignes, cinq ou six seront mises en branle à la fois, et c’est un plaisir toujours nouveau de faire la levée des captures.

Par sa beauté et la délicatesse de sa chair, ce poisson devait être l’un des premiers à attirer l’attention des pisciculteurs. Aussi, voit-on, au mois de mai 1857, M. Carl Muller, de New-York, féconder artificiellement vingt millions d’œufs qui furent transportés du lac Ontario dans le lac Saltonstall, au Connecticut. Cet essai ne paraît pas avoir réussi. D’autres expériences du même genre ont été tentées en Poméranie, en 1889, sans de meilleurs résultats. Mais la pisciculture a fait des progrès immenses depuis quelques années, en appelant à son aide la physique, la chimie, la botanique, la mécanique même. Les gouvernements s’y intéressent, et le capital s’avance devers nos lacs et nos rivières, qaerens quem devoret. La multiplication artificielle du doré réussira bientôt,