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RENCONTRES

Par une ravissante matinée de printemps, encore indécise mais pleine de la promesse d’un beau jour, je me dirigeai vers la rue Monge. Je m’arrêtai au numéro cinquante-neuf, devant un immeuble très modeste, situé au milieu du quartier populeux qu’habitait Émile Faguet. « Monsieur ne reçoit pas encore », me dit la concierge. J’insiste. Elle consent à me laisser passer : c’est au quatrième au-dessus de l’entresol. Je frappe. Même réponse qu’en bas. J’insiste encore. J’ai un mot d’introduction de René Doumic. J’y glisse ma carte, à tout hasard. Et j’entre dans un tout petit appartement, meublé avec simplicité, où l’on veut bien m’accueillir.

Le veston d’intérieur d’Émile Faguet s’ouvre sur une chemise grise et une lavallière rouge. Les cheveux sont en désordre et la moustache, curieusement hérissée. L’œil est très fin, la figure ouverte. C’est le vieux libéral. Il est tout à fait l’homme de ses livres. Je m’attendais à ce décor, à cette modération, à ce laisser-aller. Faguet est un causeur ad-