Page:Montpetit - Souvenirs tome III, 1955.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
34
SOUVENIRS

et croisant sur les quais une rousse, notait : « En France, toutes les femmes sont rousses ». J’aurais juré, avant d'y aller voir, que toutes les Italiennes étaient brunes. Je me trompais étrangement. Nombreuses et ravissantes sont les blondes que dore le soleil méditerranéen.

Je m’abandonne aussi aux délices de la découverte. Ma curiosité est amorcée et mon regard cherche des présences attendues ; car des silhouettes me sont familières et des noms réveillent en moi des souvenirs classiques. N’ai-je pas eu longtemps sous les yeux des gravures représentant Saint-Pierre et le Colisée, dont les courbes puissantes me fascinaient. Professeur de droit romain, comment serais-je resté insensible aux ruines du Forum ? Qui n’a pas, songeant à Rome, évoqué la légende du Palatin, les cryptes des Catacombes, le Capitole, le Quirinal ou la Villa Médicis ? J’étais donc engagé, comme on dit aujourd’hui.

Je pénètre à Rome la splendide réalité dont je n’avais que le soupçon. J’y touche la source de notre catholicité et de notre civilisation, au seuil de la mer qu’encerclent nos miracles. Nos pensées se renouvellent dans l’inépuisable trésor de la latinité. Religion, philosophie, législation, lettres, beaux-arts, surgissent des collines inspirées et trouvent leur expression dans la beauté. J’éprouve surtout la griserie du vrai. J’ai lu cette inscription dans un cloître : Materiam mirum praecellit materiatum ?

Plusieurs fois je me rends à Saint-Pierre, de jour d’abord, puis au cours de ma dernière soirée où je suis presque seul sur la large place baignée des clartés douces d’une nuit d’Italie. Je n’ignore pas les querelles d’écoles que la façade et le dôme ont engagées ; mais ceux mêmes qui s’interrogent à