Page:Moréas - Les Premières Armes du symbolisme, 1889.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le mal n’est pas grand et ce n’est pas par là que périra notre littérature. Aux plus mauvais jours, quand elle expire décidément, comme par exemple sous le premier Empire, ce n’est pas l’emphase et l’abus des ornements qui la tuent, c’est la platitude. Le goût, le naturel sont de belles choses assurément moins utiles qu’on ne le pense à la poésie. Le Roméo et Juliette de Shakespeare est écrit d’un bout à l’autre dans un style aussi affecté que celui du marquis de Mascarille ; celui de Ducis brille par la plus heureuse et la plus naturelle simplicité.

Le Détracteur. — Mais la césure, la césure ! On viole la césure !!

Théodore de Banville.. — Dans sa remarquable prosodie publiée en 1844, M. Wilhem Tenint établit que le vers alexandrin admet douze combinaisons différentes, en partant du vers qui a sa césure après la première syllabe, pour arriver au vers qui a sa césure après la onzième syllabe. Cela revient à dire qu’en réalité, la césure peut être placée après n’importe quelle syllabe du vers alexandrin. De même, il établit que les vers de six, de sept, de huit, de neuf, de dix syllabes admettent des césures variables et diversement placées. Faisons plus ; osons proclamer la liberté complète et dire qu’en ces questions complexes l’oreille décide seule. On périt toujours non pour avoir été trop hardi mais pour n’avoir pas été assez hardi.

Le Détracteur. — Horreur ! Ne pas respecter l’alternance des rimes ! Savez-vous, Monsieur, que les décadents osent se permettre même l’hiatus ! même l’hi-a-tus !!

Théodore de Banville. — L’hiatus, la diphtongue fai-