Page:Moréri - Grand dictionnaire historique, 1716 - vol. 1.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
AVIS AU
LECTEUR
SUR LES
SIXIEME ET SEPTIEME EDITIONS.

Comme il n’y auroit pas beaucoup de Livres, qui égalaſſent en utilité les Dictionaires, s’ils étoient bien faits, il n’y auroit auſſi guere d’Ouvrages, qui demandaſſent une auſſi grande capacité, & une application auſſi continuelle au travail, que ceux-ci, pour en venir heureuſement à bout. Il faudroit, pour cela, avoir une profonde connoiſſance de toutes ſortes d’Hiſtoires, anciennes & modernes ; être habile dans la Géographie, & être encore extrêmement verſé dans les Généalogies des familles les plus illuſtres de l’Europe. On ne ſauroit parvenir à ce degré de connoiſſance, ſans avoir lû les anciens Originaux, & ſans entendre les Langues dans leſquelles ils ſont écrits ; puis que ſi l’on ne les conſulte, on ne peut parler correctement d’une infinité de choſes, ſur la foi des Abreviateurs & des Copiſtes. Outre cela, ſuppoſé que l’on fût en état de voir tout par ſes yeux, & que l’on eut de plus, ce qui ne ſeroit pas moins néceſſaire, les plus amples Bibliothèques de l’Europe à ſon commandement ; il faudroit encore avoir une patience extraordinaire, un loiſir infini & une ſanté bien forte, pour tout feuilleter, pour tout abréger, & pour tranſcrire tout ce qui devroit entrer dans un ſi grand Ouvrage. On auroit auffi indiſpenfablement beſoin de ſavoir écrire, avec beaucoup de netteté, pour exprimer clairement & en peu de mots tout ce que l’on voudroit y mettre. Je ne dis rien du diſcernement qu’il faudroit, pour faire un juſte choix des matières & des faits ; ſans quoi il arrive ſouvent que l’on s’étend beaucoup, ſur des choſes de peu d’importance, & que l’on oublie le principal. Je ne parle pas non plus de la bonne foi, & du deſintereſſement que demande l’Hiſtoire ; qualitez ſans leſquelles on ne peut ſe fier à un Auteur, lors même qu’il dit la vérité, à moins qu’on ne l’ait comparé avec d’autres Hiſtoriens ; ce qui eſt ennuyeux, & jmpoſſible à la plupart de ceux, qui font le plus d’uſage des Dictionaires.

Bien-loin de trouver toutes ces qualitez enſemble, dans une ſeule perſonne, il eſt difficile d’en rencontrer une partie ; & c’eſt ce qui empêche qu’on ne puiſſe s’attendre à voir jamais un Dictionaire parfait, ou qui approche beaucoup de la perfection. Cette même raiſon doit obliger les Lecteurs, qui ont quelque équité, à pardonner les fautes & les omiſſions, que l’on trouve dans les Dictionaires que l’on a. Le Public a de l’obligation à ceux qui ſe font efforcez d’en donner d’auſſi complets & d’auſſi exacts, qu’il leur a été poſſible ; quoi qu’ils n’y ayent pas ſi bien réuſſi, qu’il ſeroit à ſouhaiter ; car enfin il vaut bien mieux ſe ſervir de ces Livres, tels qu’ils ſont, que de n’en avoir point du tout. Il ſeroit ſeulement à deſirer que toutes les fois qu’on les imprime, on les fit revoir par des perſonnes, qui euſſent quelque intelligence de cette ſorte de choſes, & que l’on fit auſſi corriger les Epreuves, par d’habiles Correcteurs. Sans cela, les Editions poſterieures ne font preſque qu’augmenter les fautes des précedentes, à cauſe du peu d’habileté du Correcteur, ou du peu de tems & de ſoin, qu’il employé à la correction. Mais c’eſt encore ce qui eſt très-difficile, parce qu’on ne trouve pas aiſément des perſonnes ſavantes, qui veuillent entreprendre un travail fi ennuyeux & ſi long ; & que le débit des Livres n’eft pas aujourd’hui fi avantageux, qu’il faudroit qu’il le ſoit pour dédommager les Libraires des dépenſes, qu’ils ſeroient obligez de faire en cette occaſion Ceux qui ont quelque connoiſſance de la Librairie & derimpreſſion, & qui feront quelque attention à ce que l’on a dit pardonneront facilement après cela & au Sr. Moreri, & à ceux qui ont revu ſon travail, si malgré tous leurs ſoins, il demeure des fautes dans cet Ouvrage. Cependant on peut dire que l’on en trouvera beaucoup moins, dans cette Edition, que dans celle de France ; parce qu’encore que celui qui a revu la Copie de Lyon & de Paris n’ait pas corrigé les Epreuves, il en a ôté une ſi grande quantité de fautes, qu’il n’etoit pas poſſible que l’on en refit autant. Une grande partie de celles que l’on a corrigées étant des bévues de l’Auteur, qui ſont bien plus eſſentielles, qu’une faute d’une lettre pour une autre ; ſi l’on trouve ici quelques fautes d’impreſſion, faciles à reconnoître, on en trouvera infiniment moins de celles, qui peuvent tromper un Lecteur, qui ne ſauroit recourir aux Originaux, ou qui n’entend pas bien les matières dont il eſt parlé.

On s’eſt propoſé, à la vérité, d’augmenter ce Dictionaire, & on l’a fait d’un nombre très-conſiderable d’Articles nouveaux, enfermez & non enfermez entre des Crochets, & d’une infinité d’additions aux Articles qui y étoient déjà, leſquelles on n’a qu’aſſez rarement marquées de cette manière, parce qu’il auroit fallu remplir de Crochets tout cet Ouvrage. Mais on a principalement eu en vue de rendre plus correct ce qui avoit paru ci-devant ; les Editions précédentes étant plus défectueuſes de ce côté-là, qu’à l’égard de l’abondance de la matière. On avoit eu auſſi deſſein de diſtinguer les Corrections, que l’on y feroit, de la même manière que les Additions, mais deux choſes ont empêché qu’on ne le fit, dont l’une eſt la raiſon que l’on a déjà rapportée ; ſavoir, que le nombre de ces Crochets auroit été infini, & par conſequent embarraſſant & deſagréable : L’autre eſt que l’on a cru pouvoir conſiderer la matière de ce Dictionaire, comme l’on regarde celle de tous les autres ; c’eſt-à-dire, comme une matière que chacun a droit d’exprimer mieux, & de corriger autant qu’il lui eſt poſſible, ſans que le premier Auteur s’en puiſſe plaindre, pourvu que les changemens & les corrections ſoient juſtes. Pour moi, ſi après cette Edition, il s’en fait une autre, où l’on rectifie encore ce que j’y ai mis, loin de le trouver mauvais, je croirai avoir de l’obligation à ceux qui le feront. Il ne s’agit pas de ſavoir ici ce que le Sr. Moreri ou ſes Reviſeurs ont penſé ; leur autorité, conſiderée en elle-même, ne peut être que très-petite ; mais de ce qui eſt véritable, & de ce que l’on trouve dans les pièces authentiques, qu’ils font ordinairement profeſſion de ſuivre, & qu’ils marquent à la fin de chaque Article. Ce ne ſont pas ici des Mémoires de gens qui rapportent ce qu’ils ont vu, ou ce qu’ils ont ouï dire à des perſonnes dignes de foi. C’eſt un recueuil tiré le plus ſouvent de Livres imprimez, lequel il eſt permis de redreſſer, quand on s’apperçoit qu’il s’éloigne des Auteurs qui y ſont citez, ou qui ſont de plus grand poids, que ceux dont les noms ſont à la fin des Articles. Auſſi peut-on dire que la cinquième Edition des deux Volumes du Sr. Moreri, ſur laquelle celle-ci a été faite, n’eſt pas la même que celle que l’Auteur avoit commencé à publier en 1680. pour la ſeconde fois. Ceux qui