Page:Moréri - Grand dictionnaire historique, 1716 - vol. 1.djvu/19

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paſſion ; au lieu qu’il auroit ſuffi de rapporter leur conduite, & leurs dogmes, ſans juger de leur cœur & de leurs intentions cachées. Il les traite à tous momens d’ impoſteurs, & de fourbes, ſans penſer que l’on peut s’entêter de bonne foi des opinions les moins vrai-ſemblables. Cependant en cette occaſion, on a été beaucoup plus retenu, dans la correction, que ſur d’autres matiéres, où perſonne ne s’intereſſe ; de peur qu’on ne crût que l’on auroit retranché quelque choſe d’eſſentiel. Tout ce qu’on peut avoir ôté ce ſont des répétitions des mêmes injures, ou des réflexions de Prédicateur, que le Sr. Moreri y avoit mêlées, en trop grande abondance. On pourra s’aſſurer de cela, en jettant les yeux ſur ces Articles.

Une autre faute de ſtile, à laquelle on a tâché de remedier, c’eſt que l’Auteur avoit fait le Panegyrique des perſonnes Illuſtres de l’Ecriture Sainte, & des premiers ſiécles du Chriſtianiſme, comme on le fait quelquefois en Chaire ; c’eſt-à-dire, d’une maniere enflée, & pleine de réflexions figurées, qui ne ſont pas de ſaiſon dans un Dictionaire. Le Sr. Moreri paroit avoir été entêté de ce ſlyle précieux & hyperbolique, puis qu’il le mêle par tout, où l’occaſion s’en trouve ; comme lors qu’en racontant, ſur le mot Abderame, les deſordres que les Saraſins firent en France, il s’écrie : Helas ! quelles cruautez, n’exercerent pas ces infidèles contre les François, animez de la haine naturelle d’Afrique contre l’Europe, & cruels ennemis par la différence des moeurs & de la Religion. Cet air Romaneſque, loin de relever les ſujets que l’on traite, ne fait qu’ennuyer les gens de bon goût, & groſſir vainement un Ouvrage, qui eſt aſſez gros d’ailleurs.

II. La ſeconde ſorte de fautes, que l’on a corrigées ici, regarde l’Orthographe. L’Auteur, ou ſes Correcteurs avoient pris à tâche d’ôter les H, les Y, & les doubles Lettres, autant qu’il leur ſeroit poſſible ; non ſeulement dans les noms modernes, mais encore dans les noms Grecs, & dans les autres noms anciens, ce qui les change ſouvent ſi fort, qu’on a de la peine à les reconnoître. On voit, à la vérité, que Matias, Matieu, & Philipes, ſont les mêmes que Matthias, Matthieu & Philippe ; mais Criſipe, pour Chryſippe, & autres mots ainſi changez n’étoient preſque pas recconnoiſſables. Cette faute s’étoit même gliſſée dans pluſieurs citations Latines, où les mots, où ces Lettres ſe trouvent, étoient orthographiez, comme une femme les auroit écrits. Après avoir banni les Y des noms Grecs, il en met dans les Romains, où il n’y en a point ; comme, Tybere au lieu de Tibere : comme il met des H en quelques endroits où il n’en faut point, comme Tharſe, pour Tarſe ; Samoſathe pour Samoſate &c.

Il y avoit auſſi très-ſouvent des fautes, dans les noms écrits par des W, dont on ne ſe ſert pas à la verité dans aucun mot François, mais qui ſont très-communs dans la Langue Allemande, & dans les autres qui en viennent. Ceux qui entendent quelques-unes de ces Langues ſavent qu’il y a une difference infinie entre les mots qui s’écrivent par un V. ou par un W. Non ſeulement nôtre Auteur avoit écrit pluſieurs mots par deux VV. pointus, au lieu d’un double V, peut-être parce que l’Imprimeur manquoit de ces caracteres ; mais les Correcteurs ne pouvant lire ces mots, avoient changé l’un de ces V pointus en un U rond, comme Heduvige, pour Hedwige, Uvittemberg pour Wittemberg &c. ce qui étoit changer entierement les noms. On a corrigé ces endroits, & l’on a encore diſtingué les mots qui commencent par un W, de ceux qui ne commencent que par un V, en les mettant à part, ſous le W, au lieu qu’ils étoient mêlez avec l’V. Pour ceux, dans la première ſyllabe deſquels on trouve un Y, on n’en a pû changer l’ordre, parce qu’il auroit fallu tout bouleverſer ce Dictionaire. Mais après le mot écrit par un I, on l’a mis en Italique écrit avec un Y, comme LISIMACHUS (Lyſimachus) LISlAS (Liſias) &c. afin que ceux qui voudroient chercher ces mots, dans un Dictionaire Latin, après les avoir trouvez ici, ſuſſent comment ils s’écrivent. On en a uſe de même à l’égard des doubles Lettres, lors que l’Ordre Alphabetique n’a pas permis de corriger la faute.

On ne met pas dans le nombre de ces fautes, qui ſont des fautes affectées, celles que la négligence a produites. Par exemple, preſque par tout, dans les deux premiers Volumes, il y avoit Vitemberg, ou Witemberg, pour Wittemberg ou Wirtemberg, de ſorte que ces deux villes y ſont perpetuellement confondues. Si l’Auteur ou les Correcteurs avoient laiſſe le double T, quand il s’agit de la ville de Saxe, qui porte ce nom, on pourroit au moins par là la diſtinguer de celle de Suaube, ou de Wirtemberg ; mais la mauvaiſe coûtume d’ôter les lettres doubles a produit cette lourde faute.

III. Quoi que les défauts, dont on vient de parler, ſoient aſſez grands, ceux que l’on va marquer le ſont bien davantage. On a corrigé un très-grand nombre d’endroits, où l’Auteur ſe trompoit dans des faits, & on l’a quelquefois marqué dans une Note enfermée entre des Crochets à la fin de l’Article, mais le plus ſouvent corrigé, ſans le marquer autrement pour ne pas trop multiplier ces marques. On indiquera ici quelques uns des premiers, & on en rapportera plus au long d’autres, que le Lecteur ne pourroit remarquer, qu’en comparant les deux Editions.

On peut voir ce que l’on a dit ſur A & ſur Aa, dont l’article eſt diſpoſé plus méthodiquement, & où il y a pluſieurs fautes d’Orthographe d’ôtées. Dans l’Article d' Aaron, il y avoit que Coré, Dathan & Abiram s’éleverent avec deux cens hommes contre Aaron. Dans l’Ecriture, il y a deux cens cinquante, Nomb. XVI. 2. Joſeph en met autant, mais nôtre Auteur, qui ſemble n’avoir lû la Bible, que dans quelques recueuils, a trouvé à propos d’en retrancher cinquante. Ailleurs il embellit l’Hiſtoire ſacrée, par des circonſtances fabuleuſes, de même que s’il avoit voulu traiter les Hiſtoires ſaintes, comme on fait les Romans. Sur le mot Abiu, il dit que lui & Nadab ayant deſobeï à Dieu, un feu qu’il lança contre eux, comme un coup de tonnerre, les dévora au dedans d’eux-mêmes, ſans toucher au dehors de leur corps, ni même de leurs habits, quoi que l’Hiſtoire Sacrée marque ſeulement, qu’il ſortit un feu de devant Dieu, & qu’il les tua. Levit. X. 2. Joſeph, qui ajoûte quelquefois des narrations Apocryphes, ne dit rien de plus en cette occaſion.

On a marqué, ſur les mots Abarimon & Abas, ce qu’on avoit à dire ſur ce qu’en rapporte l’Auteur ; mais en ce dernier mot, il y avoit fils de Cimeus & d’Hipermeſtre, pour Lynceus & Hypermneſtre.

Sur le mot Abdas l’Auteur dit que c’étoit un S. Prélat, lequel étant animé d’un zele veritablement Chrétien démolit tous les Temples de Veſta, que les Païens frequentoient, avec une ſuperſtition deplorable, à cauſe de ce feu qu’ils y conſervoient. Ce ne fut qu’un ſeul Temple du Feu qu’Abdas démolit, πνρείον, & non de Veſta, Divinité des Grecs & des Romains, inconnue aux Perſes. Voyez l’endroit de Theodoret, cité à la fin de l’Article. Il y avoit auſſi, dans le Sr. Moreri, que le Roi de Perſe ruïna, à cauſe de cela, toutes les Egliſes des Catholiques pour dire des Chrétiens.

Dans l’Article d' Abderame, Viceroi des Maures en Eſpagne, le chef des Saraſins de l’Afrique est appelé Amiramaumenin, ou Emirmonin ; pour Emir-el-memounin, chef des croyans. Dans la colomne ſuivante, il eſt dit qu' Abdere ville de Thrace, porta le nom de Diomede, au lieu de la ſœur de Diomede. On a auſſi ajouté quelque choſe, à la fin de cet Article. L’Auteur avoit dit qu'Abel fut tué par fon frere avec