Page:Moréri - Grand dictionnaire historique, 1716 - vol. 1.djvu/32

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a vu. Pour l’Antiquité profane, il la connoiſſoit encore moins, n’ayant pas même lû les Livres des Modernes, qui ſervent à cela, excepté quelques-uns de ceux qui ont fait des Catalogues d’Auteurs, comme Voſſius, & Giraldi, ou des Dictionaires, qu’il traduit encore comme il peut , & ſur la foi de qui il cite les Anciens. Il joint ſouvent à cela des circonſtances romaneſques, inventées ſans jugement. On eſt bien aſſûré, par exemple, qu’il n’avoit lû le Geographe Stephanus, qu’il cite très-ſouvent, que dans Ortelius, ou dans quelque Dictionaire de cette nature. La Mythologie ne lui étoit connue, que par Natalis Comes, ou par quelques autres méchans Auteurs ; ſur leſquels il moraliſe à perte de vûe, pour trouver le ſens myſtique de la fable, ſans avoir égard à aucune regle. Après ce qu’on a dit, on peut juger s’il mérite les beaux titres d’ éloquent & de judicieux. On verra, dans cet endroit, un portrait moins beau aſſûrément, mais bien plus naturel, depuis ces paroles : il ſavoit les Livres &c. On a auſſi ôté ces mots du Supplément, en parlant de la premiére édition de ce Dictionaire : TOUS les habiles gens le reçurent avec des applaudiſſemens extraordinaires, parce que ce Livre étoit rempli d’une ſi profonde érudition, & que les matiéres y étoient traitées avec une exactitude, qui ſembloit demander beaucoup plus de tems qu’il n'avoit vécu &c. A Paris 'il fut connu & eſtimé de TOUS les Prélats &c. & de TOUS les ſavans hommes de cette premiere ville du Royaume : On a ôté ces TOUS, dont le Panegyriſte étoit auſſi prodigue que l’Auteur ; & l’on auroit pû encore diminuer beaucoup les éloges, qu’il lui donne, ſans bleſſer le moins du monde la verité. Outre les belles qualitez de l’eſprit, diſoit de plus l’Auteur de cet Article , il avoit encore une taille avantageuſe, un air noble, & une grande douceur dans la converſation. Que nous importe de ſavoir cela ? En eſt-il moins aigre dans ſon Livre, ou ſon Ouvrage eſt-il meilleur ? S’il s’agiſſoit de quelque Roi, ou d’un Géneral d’armée, à qui ſa bonne mine eût attiré l’eſtime de ſes Sujets, ou l’amour de ſes Soldats, cette circonſtance ne ſeroit peut-être pas inutile ; mais remarquer cela dans le Sr. Moreri, c’eſt groſſir très-inutilement ſon Panégyrique. Comme il avoit ſouvent parlé des autres, avec un air Romaneſque, le ſort a voulu qu’il ſe ſoit trouvé quelcun, qui a parlé de même de lui. Mais la Poſterité, & ceux qui dès à préſent haï'ffent les ornemens trompeurs d’une fauſſe Rhétorique, qui cachent la verité, jugeront ſi l’on a eu raiſon de prendre le parti d’être ſincere.

On n’a rien à ajoûter ſur cette Septième Edition, ſi ce n’eſt qu’on l’a revûe d’un bout à l’autre, & qu’on y a corrigé quantité de fautes non ſeulement d’impreſſion, mais encore d’inadvertence ; de ſorte que l’on en peut dire, avec encore plus de raiſon que de la ſixiéme , qu’elle eſt incomparablement plus exacte que les précedentes. On ne s’eſt pas appliqué à l’enrichir de nouveaux Articles, comme l’on avoit augmenté l’autre, parce que les Libraires, qui y ſont intereſſez, penſent à donner un Volume de Supplémens, qui pourra ſervir à ceux qui ont acheté la Sixiéme, comme à ceux qui acheteront celle-ci ; & que la Sixième s’étant débitée en moins d’un an, on n’a pas encore eu le tems de faire un amas, aſſez conſiderable, pour en compoſer un Volume.

Jean le Clerc.
AVIS AU
LECTEUR
Sur la Huitiéme Edition.

JE n’ai que deux choſes à dire, ſur cette Huitième Edition. La première c’eſt que j’y ai corrigé toutes les fautes, que le célebre Monſieur BAYLE a cenſurées avec raiſon dans ce Dictionaire ; à moins qu’elles n’euſſent déjà été corrigées dans la ſeptiéme Edition, ou qu’elles ne fuſſent douteuſes & appuyées ſur l’autorité de quelque Auteur auſſi digne de foi, que ceux qu’on a oppoſez à Moreri. Quelquefois même Mr. Bayle s’étoit trompé, comme je l’ai marqué en un mot ; mais ceux qui ont dit qu’il a commis autant de fautes, que Moreri, ont ſans doute bien plus parlé par paſſion, qu’avec connoiſſance de cauſe. Auſſi n’ai-je pas manqué, en profitant des remarques de Mr. Bayle, de lui en faire honneur, au bas de chaque Article ; comme on le pourra voir, en jettant les yeux ſur cette Edition. Il ſeroit juſte que je lui rendiſſe ici les louanges qu’il m’a données, dans ſa Préface ; mais il ſembleroit que nous ferions un commerce d’éloges, & je croi qu’il eſt bien perſuadé que je connois tout le prix de ſon Ouvrage, après l’avoir feuilleté, comme j’ai fait, pour m’en pouvoir ſervir dans cette reviſion de Moreri. Je n’aurois ſouhaité autre choſe , ſi ce n’eſt que Mr. Bayle eût penſé, il y a dix ou douze ans, non à compter les fautes de l’Auteur de ce Dictionaire, & à en corriger quelques Articles ; mais à faire lui- même un Dictionaire complet, & méthodique, pour la compoſition duquel celui-ci lui auroit été d’un grand ſecours. Je n’aurois pas eu la peine de le revoir tant de fois, & le Public auroit eu dès le commencement un Dictionaire auquel il auroit pu ſe fier.

La ſeconde choſe, que j’ai à dire, c’eſt que mes précedentes réviſions, non plus que celles de Mr. Bayle, n’ont pas empêché que je n’aye encore corrigé un aſſez bon nombre de fautes, dans cette Huitiéme Edition ; comme on le verra , au deſſous de quantité d’Articles. Ayant examiné plus exactement ceux du Supplément, que je n’avois fait, j’y ai trouvé beaucoup plus de bévûes, que je n’aurois crû. Quoi qu’il n’y ait dans cette Edition que de petites additions, elles s’y trouvent en une infinité d’endroits, qui la rendront plus parfaite que les précedentes. Au reſte, on ne doit pas s’étonner qu’il y ait tant à corriger & à rectifier dans cet Ouvrage, en chaque Edition que l’on en fait. On doit conſiderer ce que Moreri & ceux qui ont fait le Supplément ont publié, comme un grand bâtiment, fait par des Architectes peu habiles. On y corrige une infinité de choſes, ſans en pouvoir faire rien d’achevé ; & plus on le conſidere , plus on y voudroit changer, ſans en être jamais content. La raiſon de cela eſt qu’on ne peut rien faire de parfait, ni en matiére de bâtimens, ni en matiére de Livres, à moins que le premier plan n’ait été fait ſuivant les regles de l’Art.