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des Prêtres. Les Prêtres ou Chapelains avoient actuellement le ſoin des Ames & l’adminiſtration de la Cure : & la fonction de l’Abbé étoit d’avoir l’œil ſur tous les beſoins de la Paroiſſe, & ſur la conduite des Prêtres. Il y a encore eu des Abbez Evêques, comme ceux de Catane & de Mont-Real en Sicile ; qui étoient ainſi appellez, parce que leurs Abbayes avoient été érigées en Evêchez, à la charge que ceux qui ſeroient elùs Abbez par les Religieux, ſeroient auſſi Evêques de ces Dioceſes. Les Abbez Mitrez ſont ceux à qui le Pape a accordé le droit de porter une Mitre, en officiant & dans les jours de Ceremonie, avec l’anneau & les gands. Les Evêques s’étant plaints que l’on ne pouvoit diſtinguer les Evêques d’avec les Abbez mitrez, dans les Conciles ou les Synodes, Clement IV. ordonna que de ces Abbez ceux qui ſont exempts, c’eſt à dire, dépendans immédiatement du S. Siege, porteroient dans les Synodes une Mitre avec des franges d’or, ( d’autres expliquent le mot aurifrigiatis brodez d’or, ) mais ſans perles ou diamans, & ſans plaques d’or ou d’argent : & que ceux qui ne font pas exempts, porteroient une Mitre blanche & toute ſimple. On ne voit point de ces Abbez Mitrez dans l’Ordre de Prémontré : tous les Superieurs de cet Ordre ayant renoncé volontairement à ces marques de préeminence, par une modeſtie & une humilité Religieuſe. * Du Cange, Gloſſarium Latinitatis.

Il eſt bon encore de remarquer ici, qu’environ l’an 873. les Princes & les Grands Seigneurs de France jouïſſoient du revenu des Abbayes, du conſentement du Roi Charles le Chauve, qu’on eſtime avoir été le premier qui introduiſit cette coûtume, laquelle continua juſques au Roi Robert, vers l’an 1000. Et ces Grands Seigneurs ne dédaignoient pas de ſe nommer Abbez, qui étoit un titre auſſi honorable que celui de Comte, & de Duc. Ils choiſiſſoient un des Religieux pour gouverner les autres, qu’on appelloit Doyen. Hugues Duc & Gouverneur d’Orleans & de la Marche d’Anjou, qui fut en grand crédit ſous le Roi Charles le Chauve, Louïs le Begue, & ſes enfans, eſt fort ſouvent nommé Abbé dans l’Hiſtoire de ce tems-là. Le Clergé tâcha d’empêcher ce deſordre par toutes ſortes de moyens ; & dès l’an 892. les Prelats de France tinrent un Concile Provincial à Reims, où ils menacerent des Cenſures Eccleſiaſtiques Baudouïn Comte de Flandres, qui s’étoit emparé de l’Abbaye de S. Waſt d’Arras, & s’en nommoit Abbé. Mais cela n’empécha pas que cet uſage ne continuât. * Blondeau, Bibliotheque Canonique. SUP.

ABBEFORT ou Abbefoort, Abbefortia, ville de Norvege, avec un aſſez bon port. Elle eſt dans le Gouvernement d’Aggerhus, environ à vingt lieues d’Anſioïe, & à vingt-cinq ou trente de Stafanger.

ABBEN-TYBBON, eſt le nom d’un Rabbin célebre, qui vivoit dans le XIV. Siecle, & qui a écrit divers Traitez. Il y a auſſi un Abben-Ezra, un autre Rabbin, qui fut ſurnommé le Sage. Il étoit Philoſophe, & il écrivit 24. Livres ſur tout l’Ancien Teſtament. On dit qu’il étoit Eſpagnol de nation, & qu’il demeuroit à Rhodes, où il mourut en 1190. ou 1217. * Sixte de Sienne, li. 4. Bibl. S. Genebrard. in Chron. Buxtorf de Abb. Elv. p. 34.

ABBEVILLE ſur la Somme, Abbavilla & Abbatisvilla, ville de France en Picardie, capitale du Comté de Ponthieu. Elle a été une des plus fortes & des plus importantes du Royaume, qui a conſervé ſes privilèges, & qu’on nomme la Fidelle ou la Pucelle, parce qu’elle n’a jamais été priſe. La riviere de Somme la rend forte & marchande ; auſſi les barques y abordent de la mer, juſques au milieu de la ville, & y apportent des marchandiſes en échange des toiles, des draps, des laines, des grains & des autres denrées qu’elles y chargent. Abbeville a un Préſidial, douze ou treize grandes Paroiſſes, & pluſieurs Maiſons Religieuſes. Les plus conſiderables Egliſes ſont ſaint Wulfran, qui a une Chanoinie, ſaint George, ſaint Paul, le Sépulcre, ſainte Catherine, &c. Il y a cinq Portes, qu’on nomme de Paris, de Dolat, de Doquai, de Bois, & de Marcadelle. Cette ville a toujours été feconde en grands hommes ; & dans le XVII. Siecle elle a donné de ſçavans Geographes, Nicolas Sanſon, mort en 1667. Guillaume Sanſon ſon fils, Pierre Duval, & le Pere Philippe Briet Jeſuite, mort en 1669. On croit qu’Abbeville a été bâtie par ſaint Riquier, ou par quelques-uns des Abbez ſes ſucceſſeurs. On dit auſſi que Hugues Duc de France y fit bâtir le Château. Hugues Capet donna Abbeville à Giſle ou Giſele ſa fille, qui épouſa Hugues I. de ce nom, Avoué de ſaint Riquier, & elle en eut Enguerran I. Comte de Ponthieu, comme je le dis ailleurs. *Hiſtoire des Comtes de Ponthieu & Majeurs d’Abbeville. Gilles Bry, Sieur de la Clergerie, Hiſt. du Perche, Ponthieu, &c. Du Cheſne, antiq. des villes de France, & Hiſt. de Guines, li. I. Sainte Marthe, Hiſt. Geneal. de France, li. 12. Ariulfe, Chron. de S Riquier. Le P. Ignace Joſeph, Carme Dechaux, Hiſt. Eccleſ. Abbavil. Sanfon en a donné l’Antiquité, Briet, Duval, &c.

ABBEVILLE, Cardinal. Cherchez Jean d’Abbeville.

[ABBIR-GERMANICIANE, Ville d’Afrique dans la Province Zeugitane, dont Succeſſus étoit Evêque, du temps de S. Cyprien, qui lui a écrit la LXXX. de ſes Lettres. ]

ABBON, Evêque de Nevers, vivoit dans le IX. Siecle, du tems de Charles le Chauve. Il a ſouſcrit au III. Concile de Soiſſons, tenu en 866. à ceux de Troyes, de 867. & 878. & à celui de Pontion de 876. Il y a un autre Abbon Evêque de Soiſſons après Rhodoin, qui ſouſcrivit au Concile de Troſli en 921. & à celui de Reims en 923. & la même année conſacra à ſaint Medard, Raoul, qu’on éléva ſur le thrône après Charles le Simple, & il fut ſon Chancelier. Abbon mourut l’an 937. * Flodoard, l. 4. c. 20.

ABBON, Abbé de Fleuri, ou de ſaint Benoît ſur Loire, vivoit dans le X. Siecle. Nous voyons, dans une des Epîtres de Fulbert de Chartres, l’eſtime qu’on faiſoit de ſon érudition & de ſon experience. Car il y eſt nommé un Philoſophe très-ſçavant, & le Maître de toute la France. Il fut élû Abbé de ſaint Benoît ſur Loire, dans le Dioceſe d’Orléans, après Oiolbaud. Il avoit avec lui des Moines ſçavans. Aimoin eſt des plus illuſtres. C’eſt lui qui écrivit l’Hiſtoire de France, qu’il dédia à l’Abbé Abbon, & même il l’accompagna durant un voyage qu’il fit en Gaſcogne, où il alloit viſiter l’Abbaye de la Reole. Cet Abbé y fut maſſacré par des ſcelerats, le treiziéme Novembre, non pas de l’an 1003. comme l’a écrit Sigebert, mais 1004. Le même Aimoin écrivit ſa vie. Abbon avoit écrit lui-même l’Abregé de celles de quelques Papes, recueillies de l’Hiſtoire d’Anaſtaſe le Bibliothecaire : Une apologie aux Rois Hugues Capet & Robert ſon fils : La vie de Saint Edmond Roi d’Angleterre ; Diverſes Lettres au Pape Gregoire V. & à d’autres perſonncs de qualité : Et quelques autres petits Traitez. * Voyez ſa vie, écrite par Aimoin ; Glaber, l. 3. c. 3. Fulbert de Chartres, in Epiſt. Sigebert, de vir. illuſt. c. 140. & in Chron. ad ann. 990. Tritheme, in Chron. Du Sauſſai, Voſſius, du Breuil, Dom Jean Mabillon, in Analectis.

ABBON, Moine de ſaint Germain des Prez de Paris, vivoit dans le IX. Siecle. Il aſſure lui-même qu’il étoit Normand ; & qu’ayant été reçû dans ce Monaſtere de l’Ordre de ſaint Benoît, il y avoit été diſciple d’Aimoin l’Ancien, qui étoit alors en grande réputation. Abbon étoit à Paris en 886. & 887. lorſque cette ville fut aſſiegée par les Normans. Il écrivit lui-même en vers mal polis l’Hiſtoire de ce Siege, dont il avoit été temoin oculaire. Il dédia à Gauzelin, Evêque de Paris, & Abbé de ſaint Germain, cet Ouvrage, auquel il ajouta depuis les Guerres & les victoires du Roi Eudes. Il y a apparence qu’Abbon ne vêcut que juſqu’en 890. ou 891. C’eſt ce qu’on peut recueillir de la fin du ſecond Livre de ſon Ouvrage, dont nous avons diverſes éditions, par les ſoins de Pithou, Du Cheſne, Du Boucher, du P. Du Breuil, &c. Il eſt important de ſe ſouvenir que divers Auteurs ont confondu cet Abbon Moine de S. Germain avec l’autre Abbé de Fleuri, dont j’ai parlé ci-deſſus. Il y a pourtant un ſiecle de l’un à l’autre. * Pithou, Du Cheſne, Du Breuil. in Pref. oper. Abbon. Voſſius, de Hiſt. Lat. li. 2. c. 38. Dom Mabbillon, in Act. SS. Ordin. S. Bened &c.

ABCASSES, ou Abasses, peuples du mont Caucaſe, au Septentrion & à l’Occident de la Mengrelie. Ils ſont bien-faits, & ont le teint beau : ils ont auſſi beaucoup d’adreſſe & de vigueur. Leur païs eſt agreable, & entrecoupé par des collines fertiles. Ils ont de grands troupeaux, ne vivent que de chaſſe & de laiterie ; car quoi qu’ils ayent du poiſſon en abondance, ils n’en mangent point, & ſur tout ils ont en horreur les Ecreviſſes, dont au contraire les Mengreliens font un de leurs meilleurs mets. Ils n’habitent point dans des villes, ni dans des Châteaux ; mais pluſieurs familles s’attroupent enſemble, & ayant choiſi le ſommet de quelque colline, y dreſſent des chaumines, & les fortifient de hayes & de bons foſſez, pour n’être point ſurpris de ceux même de leur païs : car ils tâchent de s’enlever les uns les autres, & de faire des Eſclaves pour les vendre aux Turcs, qui eſtiment beaucoup ceux de cette nation, à cauſe de leur beauté & de leur induſtrie. Ces peuples ont une coûtume bien particuliere, à l’égard des Morts : car ils ne les enterrent, ni ne les brûlent point : mais ils mettent leurs corps dans un tronc d’arbre creuſé qui ſert de biére, & l’attachent avec du ſarment de vigne aux plus hautes branches de quelque grand arbre, où ils ſuſpendent auſſi les armes & les habits du defunt. Et pour lui envoyer ſon cheval en l’autre monde, ils le font courir à toute bride, proche de cet arbre, juſqu’à ce qu’il créve. *Lamberti, Relation de la Men grelie, dans le Recueil de M. Thevenet, vol. 1. SUP.

ABDAL ou Abdallas, ſorte de Religieux en Perſe. Voyez Calenders.

ABDALA ELMOHADI, Chef des Almohades, qui ont poſſedé le Royaume de Fez. Voyez Almohades.

ABDALA, Roi de Fez & de Maroc, a vecu dans le XVI. Siecle. Il étoit fils de Mahomet Cherif, qui fut tué par la trahiſon des Turcs en 1557. & qui fut un Prince admirable pour ſon courage & pour ſa conduite. Abdala ne lui reſſembla point. Il avoit perdu diverſes batailles, durant la vie de ſon pere ; il voulut vivre ſur le thrône, dans les plaiſirs & dans l’oiſiveté. Il s’y établit par la mort de ſes proches & par celle d’Ali Budcar, qui étoit celui des Gouverneurs du Royaume, qui avoit le plus de pouvoir & d’autorité. Abdala avoit des freres, qui avoient du courage & de l’eſprit, mais ils furent malheureux. Ce Roi n’avoit aucune de ces bonnes qualitez, cependant le bonheur l’accompagna toujours, & il ſe maintint paiſiblement ſur le thrône, preſque juſqu’au dernier ſoûpir. Car depuis qu’il ſe fut mis en poſſeſſion de l’Etat, il le partagea entre ſes trois fils, leur aſſignant à chacun un Gouvernement. Enſuite il ſongea à ſe défaire d’un de ſes freres nommé Abel-Mumen ou Abul Omen, lequel ayant devant les yeux l’exemple de ſon oncle, que l’on avoit cruellement égorgé avec ſes fils, & craignant qu’on ne lui en fit autant, s’étoit refugié à Alger. C’eſt ce même Roi de Fez & de Maroc, qui attaqua & combattit l’armée d’Eſpagne à ſon retour du Pignon de Velez, en 1564. Deux ans avant ſa mort il entreprit la guerre contre Mazagan, à la perſuaſion d’un certain Corſe renegat, qui au milieu des femmes & du vin lui conſeilla de ne pas laiſſer vieillir ſa gloire plus long-tems, mais de la renouveller par quelque action digne d’un grand Prince comme lui. Cette entrepriſe fut mémorable, par quantité de rencontres de part & d’autre ; mais Abdala n’en eut que du repentir. Il revint à Maroc, où il paſſa le reſte de ſes jours ſans faire parler de lui, & mourut en 1574. Paul Jove le confond avec ſon frere. Son fils Mahomet lui ſucceda, à qui auparavant il avoit donné le gouvernement de Fez. * Diego de Torres, Hiſt. des Cher. De Thou, Hiſt. li. 20. 36.& 57.

ABDALA, Roi des Perſes & XXVII. Calife de Bàbylone, ayant été desherité par ſon pere, ſucceda depuis à ſes freres, & ſe rendit redoutable par la force de ſes armes. Il battit les Grecs en diverſes rencontres, s’empara d’une partie de la Candie, & porta l’épouvante jufques dans le Royaume de Naples & dans la Calabre. Quelques Auteurs ont crû que c’eſt un des Capitaines d’Abdala, qui fit mourir

S. Pla-