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INTRODUCTION.

de l’ouvrier. D’un autre côté, le commerce et l’industrie de la Grande-Bretagne ne pouvaient avoir qu’une existence chétive et bornée, avant les voyages de Colomb et de Gama. L’activité infatigable de ce peuple, qui menace aujourd’hui d’envahir tout le globe, se consumait dans les guerres civiles, ne trouvant pas d’issue au dehors. Ainsi, les générations s’accumulaient sans but, sans travail et sans pain. L’agriculture tombait en ruine, parce que la culture proprement dite était délaissée pour l’élève des bêtes à laine, opération qui donnait alors de brillants bénéfices. En conséquence, les gros capitalistes accaparaient le sol outre mesure, changeaient les terres labourables en prairies ; ce qui réduisait une foule de gens de la campagne à la plus affreuse disette.

Ce triste état de choses multipliait nécessairement dans une progression effrayante la mendicité, le vagabondage, le vol et l’assassinat. Au lieu de guérir tant de maux par une administration habile et bienfaisante, les politiques du temps ne savaient leur appliquer d’autres remèdes que la prison et le bourreau. La loi anglaise était même sévère jusqu’à l’absurdité et la barbarie ; elle tuait indistinctement le voleur et l’assassin, pressée,