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LIVRE I.

ter le chiffre de l’impôt et de la liste civile, afin que le prince n’employât pas l’excès de la mesure légale à semer la corruption et commettre l’injustice. Un roi comme celui-là est la terreur des méchants et l’amour des gens de bien.

« Mais, dites-moi, cher Morus, prêcher une pareille morale à des hommes qui, par intérêt et par système, inclinent à des principes diamétralement opposés, n’est-ce pas conter une histoire à des sourds ? »

— « Et à des sourds renforcés, répondis-je. Mais cela ne m’étonne pas, et, à vous dire ma façon de penser, il est parfaitement inutile de donner des conseils, quand on a la certitude qu’ils seront repoussés et pour la forme et pour le fond. Or les ministres et les politiques du jour sont farcis d’erreurs et de préjugés ; comment voulez-vous renverser brusquement leurs croyances, et leur faire entrer du premier coup, dans la tête et dans le cœur, la vérité et la justice ? Cette philosophie bonne pour l’école est à sa place, dans un entretien familier entre amis ;