Page:More - L’Utopie, trad. Stouvenel, 1842.djvu/287

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que là où l’on ne possède rien en propre, tout le monde s’occupe sérieusement de la chose publique, parce que le bien particulier se confond réellement avec le bien général. Ailleurs, quel est l’homme qui ne sache que, s’il néglige ses propres affaires, quelque florissante que soit la république, il n’en mourra pas moins de faim ? De là, nécessité de penser à soi plutôt qu’à son pays, c’est-à-dire plutôt qu’à son prochain.

« En Utopie, au contraire, où tout appartient à tous, personne ne peut manquer de rien, une fois que les greniers publics sont remplis. Car la fortune de l’État n’est jamais injustement distribuée en ce pays ; l’on n’y voit ni pauvre ni mendiant, et quoique personne n’ait rien à soi, cependant tout le monde est riche. Est-il, en effet, de plus belle richesse que de vivre joyeux et tranquille, sans inquiétude ni souci ? Est-il un sort plus heureux que celui de ne pas trembler pour son existence, de ne pas être fatigué des demandes et des plaintes continuelles d’une épouse, de ne pas craindre la pauvreté pour son fils, de