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INTRODUCTION.

pôts sur impôts, couvrit l’Angleterre d’un vaste réseau de prohibitions, de délits et d’amendes, et fit de la justice un vrai crible, par où il tamisait toutes les fortunes privées. Le Parlement, au lieu de résister aux ignobles instincts du monarque, lui servait absolument de machine à battre monnaie[1].

  1. Henri VII, issu de la maison de Lancastre, monta sur le trône avec un bonheur extraordinaire, à la faveur d’un soulèvement dans le pays de Galles. Il avait passé sa jeunesse dans l’exil, réfugié à la cour de Bretagne, puis à la cour de France, et conspirant contre la maison d’Yorck. Sa légitimité, très équivoque, se couvrit du manteau de la victoire ; il tenait sa couronne d’un soldat qui l’avait ramassée à Bosworth-Field, près du cadavre de Richard III, et le Parlement, serviteur docile de tous les partis vainqueurs, érigea en loi un fait accompli. Henri VII, sombre et sévère, attaché au travail et aux affaires, égoïste et sans amitié, politique habile et tortueux, visait en toute chose à consolider sa dynastie, amplifier sa prérogative, et remplir ses coffres. Méfiant à l’excès, même à l’égard de ses ministres, qui ne furent jamais que ses instruments, il gouverna par la trahison, la corruption, l’espionnage, et pilla littéralement le peuple à force d’impôts, de confiscations et d’amendes. Son règne, favorable d’ailleurs à la bourgeoisie et à la division des fortunes, fut agité par des révoltes toujours renaissantes et toujours étouffées. La fortune semblait avoir fait un pacte avec lui. Les entreprises des prétendants Simnel et Perkin Warbeck, les complots des grands, les deux insurrections de Cornouailles, tout cela ne servit qu’à raffermir son autorité. Guerrier, au dedans,