Page:Morelles - Les diamants de Kruger, 1906.djvu/30

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qu’il n’y a pas de bluets à Saint-Moïse, cette année, mais la mère est encore là. Je vous dis que ça me coûtait de quitter la bonne femme. L’autre monsieur me dit.

— Viens prendre un coup.

J’y vas. Je prends un coup, j’en prends deux, trois, et quatre. Ca ne finissait plus. Quand je me suis éveillé, j’étais engagé. J’avais rêvé toute la nuit qu’il y avait assez de bluets à Saint-Moïse pour charger dix trains de l’Intercolonial. Je ne sais pas comment la bonne femme va faire pour ramasser cela toute seule. Après tout, les rêves, ce n’est pas toujours vrai.

Le petit homme, essoufflé, se reposa, puis, tristement :

— On fait des mauvaises affaires, des fois.

Ces dernières paroles rendirent Dolbret songeur. Il pensait à part lui : « Oui, on en fait de mauvaises, de bien mauvaises, des fois et je crois que je viens de faire la plus mauvaise de ma vie. Me voilà, ni plus ni moins, parti pour le Transvaal. S’il y avait moyen de débarquer à Rimouski. »

Il se raccrocha à cette idée et ouvrit précipitamment la porte de la cabine. Il se trouva face à face avec trois femmes, jeunes, assez jolies, vêtues en ambulancières — robe noire et brassard au bras — qui, en le voyant, partirent d’un grand éclat de rire.

Abasourdi, Pierre voulut continuer sa route, mais ses forces le trahirent et il dut s’appuyer pour ne pas tomber. Alors l’une des ambulancières s’avança et le soutint. Il la remercia du regard.

— Pardonnez-moi, lui dit-il, est-ce que je ne pourrais pas voir le capitaine ?