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veille. Le matin, de bonne heure, nous recevons l’ordre de nous porter vers les retranchements boers. Ce n’était pas facile ; il faisait noir, nous avancions à tâtons en nous tenant les uns après les autres.

À un moment donné, l’ennemi commence à nous envoyer du plomb.

Une odeur dans ces retranchements boers ! Vous ne pouvez vous faire une idée de ça. Ça sentait tellement mauvais qu’il y en a qui ont dit que ce n’étaient pas les Anglais qui avaient gagné la bataille, mais que c’était l’odeur qui avait forcé Cronjé à se rendre. N’importe, j’étais aux premiers rangs. Celui qui nous commandait était détesté de tout le monde, mais brave, par exemple. Moi, j’étais en bons termes avec les hommes de ma compagnie, je leur avais rendu des services ; pendant la marche sur Paardeberg, j’en avais porté plusieurs d’entre eux sur mon dos. Il le fallait bien, ils ne pouvaient plus marcher et ils seraient morts le long de la route. Nous venions de nous coucher à plat ventre pour éviter une décharge, quand le capitaine nous crie : Forward ! Je lève le pied mais je m’aperçois que je suis tout seul. Le capitaine crie encore une fois : Forward !

Personne ne bouge. C’était honteux. Le capitaine se retourne et sacre en anglais pendant cinq minutes, puis il part, le sabre au clair, et s’avance contre l’ennemi ; mais personne ne voulait marcher. J’ai eu honte une fois dans ma vie, docteur. « Terrinée de bluets ! » que je me dis en-dedans de moi-même, ça n’a pas de bon sens d’être lâche comme ça, je vais y aller moi. » Je prends mon courage à deux mains et je pars. Je n’avais pas fait un pas que je reçois une balle dans le dos. C’étaient les hommes de notre compagnie