Page:Morelles - Les diamants de Kruger, 1906.djvu/32

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tait dans les oreilles un assourdissement insupportable pour Pierre, qui, malgré sa forte constitution, était moulu d’avoir passé tout une nuit couché sur le plancher. Dans la partie du vaisseau où il était, il faisait presque nuit. Il avait été jeté pour ainsi dire au fond d’une sorte de trou noir, avec les « pressés » qu’on laissait cuver leur vin de la veille.

Pierre cependant essaya et réussit à monter sur le pont. Le grand air le frappant au front, lui fit du bien. Mais comme tout est moins bon quand l’âme n’est pas tranquille et comme le magnifique spectacle du fleuve s’étendant à perte de vue, rutilant sous le soleil du matin, dut lui faire regretter la patrie qui s’enfuyait déjà ! À son apparition il fut reçu par les railleries de tout le monde.

— Tiens, un civilien !

— Tu es écarté, toi là ?

Humilié et réellement dépaysé au milieu de tous ces gens qu’il ne connaissait pas, Pierre n’osa pas lever les yeux. Pour ceux qui étaient là, il n’était qu’un homme qui s’était grisé et qu’on avait pris au piège. Aller raconter qu’on lui avait mis du laudanum dans son verre, c’était s’exposer à plus de mépris encore. Il était homme d’énergie à ses heures, mais dans le moment, il avait trop de vague dans les idées pour prendre une résolution. Il demanda tout de même à voir le capitaine. Il valait toujours mieux parler, expliquer sa position, essayer de se tirer le moins mal possible de cette mauvaise affaire.

Quelqu’un le prit par la manche. Il se retourna : Antoine Morot, son ami, était là devant lui, qui le regardait sans rien dire.